Le Carrefour D’algérie
Mardi 16 Août 2011
Soug ennsa
Par Farida T.
Mon fils est un kamikaze
Que peut ressentir la mère d’un jeune homme qui se donne la mort, lors d’un attentat suicide emportant avec lui des dizaines d’âmes innocentes? A-t-elle le droit de pleurer en paix un fils perdu,
ou bien est-elle vite rattrapée par l’autre face du fils criminel? Peut-elle dissocier les deux facettes de ce personnage qu’elle a enfanté, qu’elle a nourri au sein, qu’elle a veillé et élevé, sans jamais connaître vraiment? Peut-elle oublier ses angoisses durant les longues nuits de fièvre, peut-elle oublier ses craintes lorsqu’il a appris à marcher, de le voir tomber, s’écorcher et se faire mal, lui qui s’est fait exploser sans aucun mal? Peut-elle admettre s’être trompée et avoir été trompée? Que deviennent tous ses rêves de le voir un jour réussir là où, son père avait échoué? Comment peut-elle regretter un être qui a volontairement ôté la vie à des personnes innocentes? Comment ne pas être déchirée entre le fruit de sa chair et ce monstre sanguinaire? Comment repenser à son enfant sans repenser à toutes ses victimes? A qui peut-elle en vouloir? ہ elle-même de n’avoir pas été assez vigilante? A ses amis, ses fréquentations trop belles pour êtres «catholiques», à ce nouvel imam, dont les prêches devenaient de plus en plus virulents et qui le retenait souvent pour des heures supplémentaires? Ou bien encore à ce voisin de palier, repenti, qui bénéficia d’une rente de la réconciliation nationale et qui lui offrait régulièrement des livres sur les mille et une récompenses divines réservées aux martyrs jihadistes, et lui décrivait toutes les houris à la peau blanche laiteuse, aux grands yeux de velours et aux longs cheveux noirs qui tombaient en cascade sur des rondeurs insolentes et qui lui appartiendraient pour l’éternité, sans dot, ni logement, ni beaux parents, ni crédit, lui qui était au chômage… Il n’y a qu’une mère de kamikaze qui pourrait répondre. Et sa réponse dépendra évidemment de sa position vis-à-vis de cet acte immonde. Car, bien que cela puisse paraître contre nature, il existe des mères qui encouragent leurs fils aux attentats suicides. Des mères censées être réceptacle de vie, source d’amour et de bonheur, paisible havre de quiétude et de tranquillité, ultimes îlots de sagesse et de compassion, des mères, éternels remparts contre tous les dépassements, contre toutes les folies, douces voix de la raison, des mères qui, pourtant contre toute attente, et défiant toutes les lois de la nature, offrent le fruit de leurs entrailles et de leur délivrance à la folie de certains hommes, à la cruauté de certains personnages démoniaques qui ont d’abord touché le cœur de ces pitoyables mères et endoctriné leurs cerveaux avant de prendre sans jamais revenir la main de leurs petits.
16 août 2011
Contributions