Histoires vraies
Comment redevenir un homme libre (6e partie et fin)
Résumé de la 5e partie : Un témoin déclare que si Burns retourne en Georgie, il n’en reviendra plus..
Cette fois la cause est entendue : le juge ne peut pas prendre le risque d’envoyer Burns se faire assassiner. Il refuse l’extradition.
«Malheureusement, dit-il au petit homme, vous ne serez pas un homme tout à fait libre. Vous resterez un hors-la-loi dans 47 sur 48 des États de notre pays.»
L’aventure de Burns pourrait se terminer là, si Caroline ne lui donnait trois beaux enfants. Comment laisser grandir trois enfants avec le handicap d’un papa à double face, honnête expert fiscal dans l’État de New Jersey et bagnard en rupture de ban dans tout le reste des Etats-Unis ?
Burns, quelques années plus tard, oubliant tout amour-propre, entreprend des démarches auprès des autorités de Georgie pour obtenir sa grâce.
A nouveau les hauts fonctionnaires accourent :
«Revenez vous constituer prisonnier ! proposent-ils sèchement. Les autorités de Georgie verront ce qu’elles ont à faire.
— C’est tout ce que vous avez à me proposer ?
— Oui. Mais, de vous à moi, le gouverneur de Georgie vous est très favorable. S’il ne tenait qu’à lui votre grâce serait déjà signée.»
Le nez à piquer les gaufrettes de Burns s’allonge encore. Cette chansonnette il l’a déjà entendue. Il se méfie.
«Et pourquoi le gouverneur ne peut-il signer ma grâce lui-même ?
— Vous le savez bien : c’est la loi. Seule la Commission des grâces peut le faire. Pour cela elle doit vous entendre.
— Ça ne peut pas se régler par correspondance ?
— Hélas ! non. Pour redevenir un homme libre, il faut retourner là-bas.»
Pour ses enfants Burns est prêt à tout. Mais l’idée de retourner en prison après vingt-cinq ans ne lui sourit pas. Il demande à réfléchir.
Un soir à la radio Burns entend un discours du gouverneur de Georgie :
«Après le livre de Robert Elliot Burns Je suis un évadé et surtout après la diffusion du film, ce film que mes prédécesseurs ont eu la faiblesse d’interdire dans notre Etat, la sécurité en Georgie n’est plus assurée. Les responsables des crimes commis dans notre Etat s’enfuient immédiatement dans les Etats voisins qui refusent de les extrader tant notre système pénitentiaire leur fait horreur. Les enquêtes ont montré que les révélations de Robert Elliot Burns ne sont que trop vraies. Mal recrutés, mal payés, les dirigeants et gardiens de nos bagnes ne connaissent que la force brutale et ne reculent devant rien. Nous avons donc décidé de revoir complètement notre système pénitentiaire.»
Huit jours plus tard, Burns se rend de lui-même en Georgie pour se constituer prisonnier. Il est alors entendu par la Commission dont le président lui tend enfin le précieux document lui accordant sa grâce, en lui disant :
«Vous voici redevenu un homme libre. Cette liberté qui ne s’acquiert et ne se garde que par le courage, la droiture et la méfiance, est à vous, profitez-en.»
Robert Elliot Burns a le sourire, en entendant cela. Un évadé sait ce que c’est que la liberté. Il n’a pas besoin qu’on lui fasse un dessin.
Pierre Bellemare
16 août 2011
Histoire