XI. L’entretien dura encore quelque temps sur ce ton, puis nous nous séparâmes. Vers midi, je reçois un porc gras, cinq poulardes et un baril d’excellent vin vieux, que Byrrhène m’envoyait pour ma bienvenue. J’appelle aussitôt Photis.
Tiens, lui dis-je, voici du renfort pour Vénus: Bacchus, son écuyer, lui apporte ses armes. Il faut qu’aujourd’hui même nous mettions ce tonneau à sec. Noyons la froide pudeur dans le vin, et puisons dans ses flots une ardeur infatigable. De l’huile à pleine lampe (car adieu cette fois au sommeil), et du vin à pleines coupes, c’est tout ce qu’il faut pour le voyage de Cythère. Je me rendis de suite au bain, où je passai le temps jusqu’au souper, mon cher hôte Milon m’ayant invité à partager son très maigre ordinaire. Je n’avais pas oublié les avis de Byrrhène; aussi pris-je grand soin de ne rencontrer que le moins possible le regard de la maîtresse du logis. Je ne jetais les yeux de son côté qu’avec effroi, comme si j’allais voir le lac Averne. Par compensation, Photis était là pour nous servir. Pas un de ses mouvements ne m’échappait, et cette vue me réjouissait l’âme. La nuit survint. Tout à coup Pamphile s’écria, en regardant la lampe: Quelle averse pour demain! Son mari lui demanda comment elle le savait. C’est la lampe qui me l’annonce, reprit-elle. Milon se mit à rire. Admirable sibylle que nous avons là, dit-il, au courant de toutes les affaires du ciel. Du haut de cette tige qui la porte, il n’est sans doute pas un mouvement du soleil qu’elle n’observe.
15 août 2011
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