Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Y a quelqu’un ?
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Dimanche 7 : Lettre ouverte à un hidjab
Je sais que je ne suis pas le seul, mais faut que je te dise que je reçois encore des messages anonymes et frisant la débilité sur ma boîte aux lettres. Je sais, je sais… Tu n’aimes pas que j’écrive des mots pareils : débiles ! Ce n’est pas méchant, c’est juste amusant.
C’est le charme et l’inconvénient du web. Un frangin m’a dit un jour : «Derrière son écran, n’importe quel cafard se prend pour un lion.» Je sais, je sais…
Tu n’aimes pas que je puise dans le glossaire blattoptère. Mais les cafards, ce n’est pas méchant surtout les sinanthropes. Paraît même qu’ils sont propres, ceux-là. Ils se nourrissent des déchets et restes qui traînent dans les cuisines. Et puis d’abord, c’est juste une métaphore. Ce n’est évidemment pas ce genre de morale qui va inciter les incivils du web à revenir sur la bonne voie, c’est-à-dire celle du débat. Car c’est de cela et rien que de cela qu’il s’agit. Rien à ce que je sache de ce qui s’écrit et se publie n’est parole coranique. Tout est sujet à débat. Mais le débat a ses lois. La première, c’est l’identification des débatteurs. Pour se parler, on doit savoir qui nous sommes et d’où nous parlons. La deuxième, aussi importante, consiste toujours à ne discuter que les idées émises, sans s’en prendre aux personnes. L’attaque ad hominen est d’autant plus haïssable qu’elle se commet en lâche. Quand un type se couvre du hidjab de l’anonymat pour livrer bataille, bonjour le courage ! L’individu qui m’a écrit à propos de la petite notule sur les universités parue la semaine dernière ne mérite pas qu’on lui réponde. Je le reconnais. Si je le fais ici, et à reculons du reste, c’est parce qu’il me fournit l’occasion de faire une mise au point de caractère commun sur le débat, l’échange d’idées, la critique… L’individu enhidjabé commence par me dire textuel que si ma photo est publiée, c’est un signe d’exhibitionnisme. Déjà, on est sorti du débat sur l’université qui, me fait-il croire, justifie son message. Je ne sais pas trop à quoi l’attribuer mais je sens que la haine lui trouble la vue. Sinon, il aurait constaté que publier la photo du chroniqueur dans le Soir d’Algérie comme dans presque tous les journaux algériens est une règle. On peut ne pas être d’accord mais c’est un usage qui en vaut un autre. La chronique étant un genre journalistique personnalisé, enseigné comme tel dans les écoles de journalisme, on peut considérer que voir la bouille du chroniqueur ajoute à la personnalisation. On peut donc observer à loisir la bobine de presque tous les chroniqueurs algériens. Eh bien, le bougre me conseille illico d’aller voir un psychiatre !Ensuite, ça s’aggrave. C’est pourquoi je vous épargne la prose susdite. Dans un galimatias remboursable par la Sécurité sociale, je crois comprendre que (re) donner le rang minable de nos universités dans un classement mondial me place ipso facto en orgueilleux qui se situe au-dessus de la mêlée. Il n’a pas compris que, n’étant pas universitaire, je n’ai pas à me placer dans quelque hiérarchie de valeur que ce soit. Je suis journaliste et à ce titre, j’ai le droit ou plutôt le devoir de commenter les informations. Il y a quelque chose de pathologique à jeter la suspicion sur l’auteur d’un article en n’y voyant toujours que l’affirmation d’une identité personnelle. Si notre enhidjabé du web était moins aveuglé par la haine, il se serait aperçu que je n’inventais rien en redonnant le classement de nos universités. La presse avait commenté abondamment ces désastreuses nouvelles en des termes souvent infiniment plus sévères que les miens. Tant qu’on y est, il aurait pu me prendre pour un imam puisqu’il semble avoir la causalité facile. Je parle des imams et des taraouih dans le même article, c’est que j’en suis un ? Y’en a qui ont la jugeote mal au point. En ce qui concerne le correspondant enhidjabé, j’espère qu’il n’est pas universitaire car s’il l’est, ça fera dégringoler encore davantage notre calamiteux classement. Moralité ? Le lecteur maso qui lit les journaux qu’il n’aime pas devrait consulter. Personnellement, quand un canard me fiche le… cafard, je lis autre chose. Heureusement, il y a le choix ! Quant au débat, il est évidemment le bienvenu. Si le gus au haïk du web s’était courtoisement présenté, c’est son droit absolu de contester les idées développées dans l’article. Mais les idées pas celui qui formalise. Il y aurait eu sans doute des choses intéressantes dans un échange d’idées. On aurait pu voir, chacun à partir de son point de vue, pourquoi l’université connaît une telle régression. Le débat sur cette question n’est pas nouveau. Des contributions paraissent régulièrement dans ce journal ou dans d’autres pour alerter sur cette dégringolade. La réflexion est engagée par de nombreux universitaires. Mais qui les écoute ? Naturellement, j’ai hésité avant de publier cette mise au point un peu absurde, j’en conviens. De même qu’on ne négocie pas avec des terroristes, on ne répond pas à des types cachés qui ont l’invective à la commissure des lèvres. On leur dit : dévoilez-vous ! Mais il convient d’énoncer une vérité générale, une évidence même. Le débat démocratique se fait à visage découvert et autorise à porter toutes les critiques qui doivent être portées. Les journalistes et les journaux sont là aussi pour faciliter la circulation des idées. Ultime mise au point : que l’enhidjabé en question ne se fatigue pas. Je n’ouvrirai pas les messages qui ne sont pas signés d’un nom de citoyen qui assume ses idées. Bon, il m’a pris toute la place, alors je fais vite pour la suite…
Lundi 8 : «Printemps arabe» à Tel Aviv, le comble…
Les lobbies d’Israël en Europe l’ont mauvaise. Habitués à vendre avec une certaine facilité l’image d’un Israël paradis de la démocratie, entouré par un monde arabe belliqueux et archaïque, les voilà stupéfaits d’entendre les Israéliens clamer le «dégage» arabe. Israël touché par le «printemps arabe» ? Ça coupe la chique. D’ailleurs ces lobbies — journalistes, philosophes peoples, politiques — préfèrent se débiner plutôt que de devoir reconnaître publiquement que quelque chose ne va pas dans le cœur même d’Israël ? Y’a quelqu’un ? De la mésosphère j’entends, pour reconnaître qu’en Israël aussi, il y a des problèmes sociaux, parce que pour ce qui est de la rue, c’est fait, même qu’elle conteste le pouvoir. D’habitude, la seule chose qu’on nous dit d’Israël, c’est que c’est un éden démocratique et social que perturbe la grande masse des pays arabes qui veulent sa mort… … Eh bien, y’a autre chose et ça, y’a que les peuples qui sont assez honnêtes pour le dire…
Mardi 8 : Emeutes british
Les émeutes en Angleterre, ça ne plaisante pas. Je ne sais pas où ils sont formés, mais faut reconnaître que c’est des pros, les mecs. En quelques secondes, aussi efficaces et redoutables qu’un corps d’élite entraîné, les émeutiers te saccagent une rue, ratissant jusqu’à la dernière poignée d’une porte dérobée. Vitres brisées, magasins dévalisés d’où les pillards s’enfuient avec des caddies pleins à ras bord, immeubles incendiés, bobbies attaqués et tout ça sans même que les gus prennent le soin de masquer leur visage comme le fait notre enhidjabé d’en haut. Eux, au moins, ils auraient eu une certaine raison de le faire. En quelques heures, voilà une ville british du genre de celles où la coupe du gazon est faite à petits coups de ciseaux, où rien ne dépasse chaque chose étant à sa place, transformée en décor de Mad Max. Incroyable ! Des athlètes high-tech, cumulant vitesse et précision, et là comme ailleurs, le feu a pris parce qu’une étincelle l’a mis aux poudres. La mort d’un jeune a tout déclenché. Le malaise d’une l’ampleur équivalente aux causes qui le génèrent, avait déjà bien du mal à rester tapi dans les replis de la crise. La dégradation économique de ces derniers mois a fait le reste. Les artificiers n’ayant cure des conséquences ont laissé traîner le détonateur. Le poids d’une vie a fait le reste.
Mercredi 9 : Déprime boursière…
La banque déprime. C’est quoi la prime ? Elle dégringole grave, frisant le krach. Les pronostics sont variés mais ils convergent tous vers un commun pessimisme. Le monde n’est pas sorti de l’auberge. C’est ce qu’ils disent tous. Ça me rappelle cette vieille sagesse de quelqu’un de ma connaissance qui disait : «Nous les pauvres, on n’a rien à perdre.» Le jour qui passe est meilleur que celui qui vient, ajoutent-ils tous. Autrement dit, le pire est devant. Il suffit qu’une agence de notation dégrade la note des Etats- Unis pour que la Bourse soit en berne. Paraît que ça fonctionne comme ça ! L’un a le rhume, l’autre tousse. Sauf que l’autre, c’est nous tous. Survenue en plein mois d’août, cette crise nous prive de la parole des experts. N’ayant rien de mieux à faire, ils se dorent la pilule au soleil ! «J’sais tout mais j’dirai rien !» Experts, certes, mais au service de qui ? Quant aux «j’sais rien mais j’dirai tout !», qu’ils prolongent leurs congés ! Si la villégiature soigne tout ce beau linge, en l’éloignant de toute éclaboussure liée aux turpitudes financières il en reste néanmoins quelques-uns, qui sont au turbin, afin de nous affranchir du : pourquoi le colosse boursier vacille sur ses pieds d’argile ? Même s’ils ne sont pas nombreux sur la brèche, les experts arrivent à produire de nombreuses explications et, dans la foulée, à émettre de nombreuses propositions pour nous sortir de la mouise. Mais, même pour les béotiens que nous sommes, il est saisissant de constater qu’aucune explication, aucune proposition audible ne s’aventure à remettre en cause le système lui-même, c’est-à-dire l’inouïe prégnance du monde économique, social et politique par le pouvoir de la finance. P’t-être qu’ils n’y ont pas pensé ! … On va le leur souffler ? Des fois que, hein ! Ce serait ballot ! Comme ça, ils ne pourront pas dire que personne ne le leur avait jamais dit. Faut rester humain, perso, j’suis pour l’entraide. Banquiers, goldens boys, financiers, affairistes, experts : ce sont eux qui pilotent le bolide qui nous mène droit dans l’mur ! Les politiques, eux, leur tiennent les portes grandes ouvertes tout en mettant de l’huile dans les rouages ! Qui paye l’huile ? Nous ! Enfin eux, dans un premier temps, avec un chèque en bois signé de notre sueur quand ce n’est pas de notre sang, vu que c’est nous qui remboursons. Avec les intérêts ! Le marché devient invisible quand il prend l’eau. Peut-être, mais il est comme une éponge sèche, il se réhydrate en absorbant tout ce qui se trouve autour ! Quand il prospère, on sait qui le tient. Ce sont ceux qui encaissent les faramineux dividendes. Tout ça pour du pognon virtuel, jeu d’écriture qu’on appelle ça ! Quant à la mouscaille qui en découle, pour ceux qui se la coltine, j’ai nommé la plus grande partie de la planète, elle est on ne peut plus concrète !
Jeudi 10 : L’Assad de Syrie…
On ne compte plus les morts en Syrie. C’est l’hécatombe. Mêmes les pays arabes surmontent leur grégarité de dictature pour s’accorder et dire que trop c’est trop. L’Assad est plus redoutable que son père, on dirait. Il exterminerait une bonne partie de son peuple pour rester accroché à son rocher de chef. Pour justifier cette horrible barbarie, l’Assad dit combattre des «groupes terroristes ». Lors d’une des manifestations sur laquelle ses séides ont tiré, il y avait 500 000 personnes en colère contre la dictature. Si ce sont eux qu’il appelle des terroristes ! Mais on sait comment finissent ces histoires. Tomber, mais à quel prix ? Au lieu de se retirer afin de permettre une transition plus ou moins pacifique, il va devoir être chassé violemment et livrer la Syrie au chaos.
Vendredi 11 août : Ouf !…
Ah oui, bonnes vacances en plein cagnard et en plein Ramadan. Retour de cette chronique : dimanche 4 septembre…
A. M.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/08/14/article.php?sid=121456&cid=8
14 août 2011
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