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Un moment Nasa par Kamel Daoud

14 août 2011

Contributions

               Debout sur une colline imaginaire qui monte, un Algérien pense : que faire ? Le ciel est étoilé, la nuit si profonde qu’on pourrait l’épouser et un chien trace l’horizon avec un aboiement. Les enfants dorment avec deux yeux, l’épouse avec un seul, le voisin avec un demi. Rarement l’Algérien A ne s’est senti si proche de Spinoza qu’il ne connaît pas. A faire le bilan, tout va bien, comparé à 62 : il mange mieux, a un climatiseur ou au moins un ventilateur que Boumediène n’avait pas en son temps et l’argent est gratuit comparé à celui de son grand-père qui travaillait pour le Colon. L’eau est dans le robinet et si l’ENTV ne dit rien, la religion explique tout.



Donc pourquoi ce sentiment d’être creux de la tête et de ne pas avoir de but dans le pied ni de fermeté dans la main ? Pourquoi ce n’est pas suffisant ? Que faut-il faire ? La révolution ? C’est dangereux pour le sommeil. En Libye, les gens sont soit éveillés soit morts. Personne ne dort longtemps après la révolution et puis l’Algérien A est fatigué. Il a expliqué à un étranger qu’il est mort tellement de fois que les gonds de la porte de l’au-delà sont usés et font du bruit et qu’il n’y a plus de page propre sur son passeport vital. Ensuite, il a fait beaucoup de révolutions : pour chasser le colon, pour l’agriculture, contre et pour le FIS, pour la culture, etc. A la fin, il n’a même plus de cheveux à allonger.

La Révolution, c’est sauter dans les airs avec la certitude de ne jamais retomber et retomber toujours. «Oui, mais ne rien faire donc ?», lui murmure l’Emir Abd El Kader à travers le billet de mille dinars dans sa poche. Non, répond A. Je veux. Mais je n sais pas qui ou quoi. La nuit est si belle qu’on veut en faire une terre sous sa semelle et cela ouvre l’appétit de l’âme et prouve que l’âme existe et pas seulement lors des condoléances. Faire comme les Egyptiens mène à juger un homme sur un lit par un homme assis sur ses fesses. Faire comme les Syriens ? Oui, je l’ai déjà fait et sans connexion internet, avec plus de morts. Faire comme les Tunisiens ? A peine possible : Le Président n’a pas de femme, ni d’Etat. Il a seulement une colline plus haute. «Il faut prier plus», lui dit souvent son voisin à A. A se retient toujours de répondre que Dieu est une explication, pas une excuse.

A quoi servent Adam et Eve et l’arbre et tout le reste s’il faut demander à Dieu de tout faire à la place de l’homme ? Il y a une raison à la création : elle est humaine, pas divine. Bien sûr, A ne parle pas comme ça, mais c’est ce qu’il ressent. Il y a quelque chose d’insatisfaisant quand on est enfermé dans une nationalité et empêché d’être seulement un homme. A quarante ans, A regarde. Il voudrait du feu droit et des arbres singuliers et des routes et des montagnes qui lui donnent la main et pas seulement des sardines à manger et un voisin qui fait tictac. Il sent un manque, une frustration, une envie majeure mais muette. Le pays tel qu’il est tracé ne le lui offre pas seulement des salaires, de la politique, des rites, des mosquées, des partis, des coupures d’électricité et une réduction du corps astral à la bousculade du marché. A est triste. Il sait que la nuit va partir et qu’il sera obligé de redescendre de la colline pour endosser la pesanteur.

Il n’a pas de réponse. Sauf de grandes questions qui gondolent comme des voiles de navire avant la découverte de l’Amérique. Voici l’une d’elles : comment ce pays est passé de l’éventail au climatiseur et, en sens inverse, de l’Emir Abd El Kader à Ouyahia ou Belkhadem ? A voudrait que la nuit étoilée dure longtemps. Il finira par en avoir la clef sans scaphandre. Il le sait : il y a tellement d’étoiles que l’une d’elles voudrait de lui, une nuit.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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