Livre / Djemina de Nassira Belloula |
Portrait de femmes |
Yacine Idjer |
Info Soir : 12 – 05 – 2008 |
Recueil n Ici, c’est le portrait de plusieurs femmes qui est dressé : femmes communes et légendaires à la fois.
Paru aux éditions Média-Plus, le recueil se veut un mouvement, un éclat de voix, celles de femmes, d’hier comme d’aujourd’hui, des femmes ordinaires, racontées en toute simplicité et en total transparence, mais avec autant de caractère que d’émotion.
Dans ce recueil, Nassira Belloula dresse le portrait de plusieurs femmes, à la fois communes et légendaires, toutes ayant vécu d’étonnantes expériences et ayant eu des parcours inhabituels dans leur existence. Ces femmes sont anonymes, sans noms ou presque. Ce sont des femmes perdues dans le Temps, oubliées par l’Histoire. Personnages oubliés, visages voilés, voix ensevelies.
Il se trouve que, par le biais de l’écriture, écriture aussi bien descriptive qu’imagée, l’auteur, dans un souci de représentation juste et constante, restitue à chacune sa mémoire, son histoire et, du coup, sa place et le rôle qu’elle a occupé dans la société. Elle va à la rencontre des femmes. Elle enregistre les femmes qu’elle ressuscite et auxquelles elle prête corps et voix comme commencement et aboutissement d’un acte, d’une existence. Par l’écriture, ces femmes sont alors rappelées, dites, signifiées, réhabilitées dans leur empreinte, fierté féminine.
Elles sont présentées certes comme d’habituels personnages, mais toutes sont exceptionnelles, héroïques, stoïques de par leur personnalité et leur attitude élevée et altière.
Dans ce recueil, Nassira Belloula raconte divers vécus et destins de femmes. Elle raconte la vierge de Tifelfel, dans les Aurès de l’an 115, qui, pour l’intérêt de son village, se sacrifia et préféra se donner la mort plutôt que de se rendre aux Romains.
Elle raconte le tragique destin de Sophonisbe en l’an 203 av. J.-C., ou le caractère combatif et intransigeant de Dihya, cette rebelle qui se dressa contre les armées arabes. Elle raconte aussi Lallia, la sultane d’une nuit, qui, se refusant d’être la concubine d’un haut dignitaire turc, se jeta dans le vide. Elle raconte également l’histoire de «cette frêle silhouette, cette vagabonde qui allait s’éteindre au bout de cette glaciale nuit d’hiver». C’est l’histoire d’une femme en haillons, vieillie, affaiblie, l’histoire de Beggar Hadda…
Autant de femmes que de situations, tant de caractère que de présence sont racontés dans une écriture sincère et captivante. Cela revient d’emblée à dire que l’auteur évite dans son travail d’écriture et de reconstitution historique toute complaisance ou fioriture, et se voue exclusivement à une écriture littérale, propre et appropriée, suivant les besoins de l’énonciation littéraire. Autrement dit, l’auteur y développe, en conséquence, un discours littéraire à caractère historique ; celui-ci provient d’instances féminines.
Dans cette écriture tant bouleversante que fulgurante qui évoque et fait parler l’histoire, écriture dans laquelle viennent se mêler, mais sans équivoque, voix d’hier et celles d’aujourd’hui, l’auteur endosse, le temps d’un récit, l’étoffe d’une conteuse, et le lecteur, tout ouïe, se met en situation d’écoute.
13 août 2011
1.LECTURE