C’est une histoire très «morale». La banque Goldman Sachs pourrait être condamnée pour corruption ou tentative de corruption sur 50 millions de dollars versés en pots-de-vin à des responsables libyens , mais échapperait à toute poursuite pour avoir dilapidé 1,3 milliard de dollars appartenant aux Libyens.
La banque d’affaires Goldman Sachs ne risque pratiquement rien pour avoir dilapidé en placements douteux des sommes importantes du fonds souverain libyen (Libyan Investment Authority (LIA). Cet argent, avec la guerre en cours en Libye, est pratiquement perdu pour le peuple libyen. On l’a déjà souligné dans ces colonnes, c’est un hold-up élégant pratiqué par des gangsters élégants qui n’ont pas daigné informer leur client libyen de l’évolution de son placement.
La «respectable» banque, surnommée «Vampire des Abysses», a déjà été condamnée à une pénalité de 500 millions de dollars pour avoir profité de la crise des subprimes et pour avoir escroqué des clients américains. Un peu de justice dans ce monde de casinos, où des gens très chèrement payés s’amusent avec l’argent des autres.
Mais pour l’argent du peuple libyen, il ne faudra pas se faire d’illusion, il paraît bien perdu. On peut certes espérer – sans trop y croire – que les Libyens seront en mesure, un jour, de récupérer ce qui peut l’être de cette opération de brigandage, que l’amateurisme – pour ne pas dire plus – des dirigeants du fonds souverain libyen a rendu possible.
Le fait est que les dirigeants du fonds souverain ont découvert, après coup, que sur la cagnotte de 1,3 milliard de dollars, il restait à peine 25 millions, ce qui peut paraître ahurissant. Mais c’est bien ce qui s’est passé.
Aujourd’hui, par un retournement de situation, les informations en provenance des Etats-Unis confirment que le gendarme de la Bourse, la SEC, fouille dans les documents de la banque Goldman Sachs et chercherait à déterminer si elle ne destinait pas une somme de 50 millions de dollars à apaiser le courroux de quelques responsables libyens.
On peut observer que pour 1,3 milliard de dollars «perdus» – vraiment perdus ? , la «compensation» est dérisoire. C’est sans doute cela qui motive la suspicion de la SEC. S’il s’agit d’un dédommagement destiné à l’institution, en l’occurrence la LIA, cette somme est ridicule. Par contre, si elle était destinée à «satisfaire» des individus, cela paraît «raisonnable». Le régulateur américain ne transige pas, à juste titre, avec le respect des lois. Et si des pots-de-vin ont été distribués ou allaient être distribués, la banque serait en infraction avec le Foreign Corrupt Practices Act. Le régulateur a les moyens de déterminer clairement si les 50 millions de dollars sont une compensation officielle ou un dessous-de-table. Par contre, il est peu probable qu’il pousse la curiosité jusqu’à vérifier la manière dont Goldman Sachs a géré l’argent du fonds souverain libyen.
On dira sans doute que le «Vampire des Abysses» ne faisait que son métier de prédateur. Pourtant, le régulateur européen vient de prendre la décision d’interdire aux traders de faire des ventes à découvert et de jouer ainsi sur la baisse des valeurs.
A côté de la manière dont le «Vampire» a joué avec les fonds libyens, ceux qui font dans cette pratique paraissent presque des anges. Mais, bien entendu, dans cette affaire, les responsables libyens sont les plus condamnables. Ils n’ont que l’argument de la naïveté, ce qui est encore plus inacceptable quand on a la responsabilité d’un pays.
13 août 2011
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