Mercredi 25 Juin 2008
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De ce «compromis révolutionnaire», ainsi désigné par Benyoucef Benkhedda, le troisième et dernier président du GPRA, que reste-t-il aussi?
Haya Djelloul, formé à la grande école de Moscou, réalisateur prolifique de films documentaires sur notre histoire pour la Télévision algérienne, vient de publier un genre de synopsis détaillé pour l´édition, intitulé Évian 62, le dernier combat (*). En sous-titre, l´auteur précise qu´il s´agit de «témoignages inédits des principaux négociateurs français et algériens ainsi que des officiels suisses qui ont encadré et préparé les négociations algéro-françaises». Une courte préface de Mohamed Harbi en donne le ton, se demandant «ce qu´il [Haya Djelloul] avait à dire de neuf sur les Accords d´Évian après le travail pionnier de Malek Rédha, le colloque sur ces mêmes accords organisé par l´Institut Maghreb Europe, la publication des archives diplomatiques françaises sur les négociations, sans compter les contributions des historiens figurant dans divers ouvrages.» Le préfacier, historien, reprenant une définition de Pierre Laborie, ajoute: «Mais il s´agit, ici, de mémoire usage fluctuant du passé selon les interrogations du présent´´.»
Pourtant, Haya Djelloul a tenté d´aller plus loin dans la mémoire au point de la rendre vivante, vivace, restituant à profusion les témoignages au présent et, tout naturellement, la parole devenant document exceptionnel, puisqu´il y a «questions et réponses» et mise au point, sous la forme de dialogue à la fois libre et vérifié. Sans doute, sait-on la valeur probante du témoignage humain et la nécessité de la critique de sincérité, mais l´esprit humain bien fait (?) ne pourrait-il pas responsabiliser, transcender le subjectivisme, l´élever à un haut niveau de consensus? Ainsi, Haya Djelloul, homme d´audiovisuel, allant de l´idée à l´image, a-t-il su «marier l´histoire et le film documentaire» lorsqu´il a constaté – «trente ans après», lors du «tournage à l´occasion des différents témoignages filmés aussi bien en Algérie qu´en France ou en Suisse» – que «la signification controversée des Accords d´Évian est une réalité».
On ne cessera, sans doute jamais, de faire le bilan des effets d´un événement historique, qui plus est, fondateur de la renaissance d´un pays comme l´Algérie, après plus de 132 ans d´occupation coloniale et plus de sept ans de lutte de libération armée. Trop de points resteraient toujours à revoir, à reconsidérer, à éclairer, tant il est vrai que «l´histoire, dit-on, n´est, après tout, que de la parole humaine», et d´autant que ce qui est «Histoire» pour les uns, ne serait que «recueil d´anecdotes» pour les autres. La colonisation française a fait son «Histoire»; le peuple algérien, qui en a secoué le joug et s´en est libéré par les armes, a écrit la sienne avec le sang de ses héros dont les faits historiques ne sont pas de simples anecdotes parsemant le territoire national. S´il n´y avait pas eu colonisation, s´il n´y avait pas eu une résistance armée, il n´y aurait pas eu «Les Accords d´Évian», en mars 1962, entre la France puissance militaire occupante et le peuple colonisé d´Algérie en lutte pour la libération nationale.
Et justement, que nous expliquent ces «Accords»? Et, peut-être avant tout, que sont-ils donc, au vrai? Certes, nous connaissons les ouvrages, diversement excellents, de bien des auteurs (acteurs, historiens, chercheurs), les nôtres tels que Benyoucef Benkhedda, Saâd Dahleb, Rédha Malek, Mahfoud Kaddache; des étrangers, tels que Olivier Long ou Guy Pervillé, mais nous savons moins les particularités historiques des négociations concernant le règlement du conflit franco-algérien, signé le 18 mars 1962 par les représentants du gouvernement français et ceux du FLN, – et moins encore ses applications et leurs conséquences sur le terrain des relations entre les deux États.
Nous avons alors, oserais-je dire, à l´oreille la parole et sous les yeux, en quelque sorte, les visages des témoins historiques, Algériens, Français et Suisses et les lieux de l´action (depuis la toute première rencontre à Melun, puis aux Rousses jusqu´à la toute dernière à Évian) et, à chaque étape de l´action, apparaît le clair récit de la longue et secrète histoire des négociations qui ont mis fin à la guerre et à la présence française en Algérie et ont annoncé la souveraineté de l´État algérien.
Avec son ouvrage Évian 62, le dernier combat, Haya Djelloul nous donne une oeuvre exemplaire de militantisme pour la mise à niveau, en dehors de tout dénigrement, de notre conscience au regard de l´histoire de notre Algérie.
(*) ÉVIAN 62, LE DERNIER COMBAT
de Haya Djelloul
Casbah-Éditions, Alger, 2008, 282 pages.
http://www.lexpressiondz.com/culture/le_temps_de_lire/55884-%C3%89vian-62%2C-quelle-signification%3F.html
13 août 2011
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