LECTURES POUR LES PALESTINIENS
Un enfant tué…à Gaza
Mercredi 12 Mars 2008
Par
C’est la guerre disent les uns, c’est à cause de la guerre disent les autres…
Térence, l´immense comique latin, Térence, l´«Afer», le Berbère, né à Carthage vers -190, réduit en esclavage alors qu´il était enfant, a pu écrire à l´âge adulte: «Je suis homme et rien de ce qui touche à l´humanité ne m´est étranger.» Comment expliquer «Un enfant tué à Gaza», ce malheur qui déshonore le genre humain et rend heureux et fiers les bourreaux?
L´enfant palestinien de la guerre a pour tout langage un cri: «Aller en guerre pour ne pas être tué!» Et le bébé, du fond de son berceau dans le ghetto de Gaza, que dit-il? – Ma vie est toute tracée vers la mort…Nous avons entendu ce que nous avons entendu, ces derniers jours, plus que dans le passé; nous avons vu ce que nous avons vu, encore hier et aujourd´hui, que les Nations unies n´ont aucun pouvoir contre les nantis armés qui ne cessent de démunir ceux qui n´ont rien, sauf l´ordinaire de la mort. Maintenant, il ne suffit plus de lancer des pierres contre les canons de la spoliation et de l´injustice, – ne faudrait-il pas plutôt n´avoir jamais existé pour ne pas avoir à mourir?…En Palestine, face à la monstruosité armée d´Israël, l´enfant palestinien, comme l´enfant grec de Victor Hugo, dit à l´Ami juste d´Orient et d´Occident «Je veux de la poudre et des balles», sinon laisse-moi dignement m´offrir en holocauste à ma Patrie.
Voici ce que rapporte, entre autres grands correspondants de presse, le correspondant de l´AFP, pour éclairer le public sur les horreurs de cette guerre aux enfants palestiniens: «Un bébé a été tué mardi soir lors d´une incursion israélienne dans la bande de Gaza [AFP, 04.03.08].» S´il est bien vrai que le monde, épris de justice et de paix, oeuvre pour que le premier des droits de l´homme soit, sans exclusive, «l´égalité de la valeur des vies», on doit, de toute urgence, s´obliger à répondre à une question depuis longtemps posée et que posent aussi franchement des écrivains israéliens, hommes de paix, – qui n´en peuvent mais – au sujet d´Israël: «Est-ce pour fêter dignement les 60 ans de cet État voyou?» Ajoutons: est-ce pour détruire toute possibilité de relève du peuple palestinien? L´histoire n´oublie pas «la terre brûlée» au temps des conquêtes coloniales ni l´horreur tragique de la Shoah; nul doute que, dans les consciences humaines, elle inscrira avec le sang des martyrs, de tous les martyrs, la folle et incessante entreprise de la colonisation israélienne en terre sainte de Palestine…
Voici, sans qu´il s´agisse d´une «anthologie», quelques extraits d´écrits, anciens ou récents, d´auteurs algériens et palestiniens, présentés en échos d´urgence comme le refus spontané de l´ignominieuse brutalité commise par «l´une des meilleures armées du monde dotée de l´arme nucléaire» sur des enfants, «ces petites choses innocentes» sur lesquelles «on tire pour rien». O que le Macbeth de W.Shakespeare n´est-il vivant pour s´écrier encore: «Ô Horror! horror! horror!»
(Traduit de l´arabe)
Ma plume, écris sur la conspiration du vingtième siècle!
Écris avec l´encre de mon coeur: Ô enfant de Palestine, en quelque lieu que tu te trouves, tu es la victime dans tous nos camps de réfugiés connus ou occultés!
Écris quel péché ont-ils commis les enfants en bas âge pour que leurs yeux versent des larmes de trop d´infamie?
Malheureux enfant toi qui es dans ma situation et que ses pas l´ont conduit à connaître des millions d´endroits:
Un peuple, deux, trois, quatre,…onze, douze, vingt!
Mille, deux mille, trois mille, un million,…des dizaines de millions!
Des centaines de millions, et plus encore!…
-Est-il vrai, ô mon père, que ce monde qui est mien, est ainsi nombreux que je sois hébergé dans les riches hôtels de pays qui jamais ne me donneront le sourire de la Douce Mère?
Et voilà que je vis constamment pourchassé par la police, où que je sois!
(Mohammed Lakhdar Abdelkader Essaihi, Du plus profond de la blessure, Ô Palestine!, 1983)
(Traduit de l´arabe)
Nous dansons autour de la dépouille mortelle
Puis nous tombons dans un sommeil profond, et nous rêvons.
-Nous aimons notre Patrie…Est-il quelqu´un qui aime la Patrie?
-Personne!…Et Fayrouz donc? – Ô mon peuple!
quand elle chante la Patrie, les maux cessent et tombent tous les empêchements:
Le Liban chante en nous, et c´est Amour et Extase.
-Où est celui qui aime la Patrie? -Personne!
(El Ouazina Bekhouche, Mon rêve ne supporte pas l´ajournement, 2007)
(Traduit de l´arabe)
Autour d´une chimère, les loups se sont rassemblés
Dans la forêt, persuadés que ses habitants l´ont quittée
…
Ils ont conspiré contre nous: l´un est charlatan, l´autre fricoteur,
L´autre vantard a convié son oncle et ses beaux-parents
…
Tel porte un hachoir, tel autre une hache, des bûcherons
Creusent des foyers fumant sous terre
…
Édicter une consigne est notre bon droit, la parole étant juste.
De la vraie justice, jamais ne s´écartent ses partisans:
Jérusalem est notre héritage, nous en sommes les dépositaires,
Le Lieu saint et la Qibla sont notre Premier Mihrâb.
(Omar Boudjarda, poésie populaire, 24 octobre 2007)
La tête tournée vers le soleil
Je rêvais de naissances et de raisons
Mais, la mitraille sioniste
M´éclabousse d´un sang innocent
Voici qu´errent en plaies béantes
Les cendres encore fumantes
Mes maîtresses désespérées
Enchaînées aux murs, aux fers
Aux portes d´Elquods, ma souffrance
J´ai osé chanter ses notes incendiaires
El Quods, Ya Falestine!
(Nassira Belloula, mars 2008)
Défiant l´obscurité, à la recherche d´un prisonnier,
Derrière les barreaux des yeux rayonnent,
Des yeux d´enfant n´ayant pas encore dix ans.
Il grimpe à la fenêtre de la prison
Et se penche à ma recherche.
À mon calme horizon se répandent alors espoir et tendresse.
…
Un enfant?
Plutôt la génération de l´aube,
Les promesses de la liberté
Un printemps qui sent les fleurs
Défie les plantes du mal.
(Hanna Abou Hanna, palestinienne,
Un enfant de mon peuple)
Ah! Soldats d´Israël qu´il fait nuit dans votre âme
Ainsi que sur votre front où s´inscrit un drame
Vous tenez de l´Enfer un horrible pouvoir
A détruire un peuple que vous ne daignez voir
Vos généraux noircis par d´horribles haleines
Paradent dans leur boucherie, ivres de haine
Chacun de leurs gestes aura un tribunal
Comme Joad, ils répondront tous de leur mal
Vous qui parlez de paix avec un faible bien
Vous brisez les promesses, vous rompez les liens
Gardez-vous d´ignorer les plaies palestiniennes
Le sang phénicien coule encore dans leurs veines
…
Dans la ville sacrée où s´aiment les semblables
Cessez le feu pour une Palestine viable!
(Abderrahmane Zakad, 5 mars 2008)
Pour avoir à dire: Pleure!
Ma croix est peut-être une monture
Les épines sur mon front sculpté de sang et de rosée
Une couronne de lauriers
Je suis peut-être le dernier à dire:
Moi, j´ai souhaité mourir.
(Mahmoud Darwiche, palestinien,
Feuilles d´Oliviers, 1964)
Toi l´abandonné de tous
Toi qui as pour seul compagnon l´exil
Toi l´apatride à qui on a volé la patrie pour la changer en camp de l´humilié
Toi qui supportes tout seul «la Croix»
Toi le supplicié qu´on refuse de voir
Toi Abel des temps actuels et que tous les Caïn du monde assassinent tous les jours
Toi qui occupes le temps qui passe et celui à venir
Tu seras la nouvelle conscience de tous ceux qui te laissent mourir
Toi l´enfant Palestinien.
(Amar Belkhodja, 8 mars 2008)
Qu´avez-vous gardé pour demain?
Vous qui avez fait couler mon sang
Puis la lumière de mes yeux
Brisé ma plume
Spolié les droits d´un peuple paisible
Qui n´a pas commis de crime…
Qu´avez-vous gardé pour demain
Vous qui avez humilié mon drapeau
Avez fait dans ma blessure d´autres blessures
Avez tué mon rêve
Qu´avez-vous gardé pour demain
Demain n´est pas vaincu!
…
Enterrez vos morts et dressez-vous
Car eût-il des ailes
Demain ne saurait nous échapper.
(Tawfiq Ziad, palestinien)
Les coursiers
Ah! si les miens mettaient au monde un véritable enfant
Dont ils n´aveuglent pas les yeux de boue
Il se pourrait qu´alors fleurisse sur la terre de mon pays
Une nouvelle génération de cavaliers
Qui mette au monde des petits enfants
Lesquels deviendront grands…et rempliront la nuit de feu
Il se pourrait que je voie alors autour de moi des aigles
Et non des oiseaux imitant des aigles!
(Rachid Housseyne, palestinien)
(Semaine de solidarité avec la Palestine, Alger, 17 février 1964)
J´entends toujours un cri de tourmente
Quand le soleil secoue sa lumière sur la Terre
Une voix lointaine et fière
J´écoute toujours un bruit de chaînes
Quand la nuit engendre des terreurs
Un mouvement épuisé et volontaire
Je vois toujours un visage trempé de larmes
Quand ma mémoire éprouvée fait encore un effort suprême
Un enfant une veuve aux portes de l´exil
Et j´entends toujours la voix d´un peuple
Que notre peuple reprend
Palestine Palestine
Profanée
…
Palestine Palestine
Frappée d´un exil conspiré
L´Algérie embrasse tes exigences!
(Kaddour M´Hamsadji, Oui, Algérie, 1965)
http://www.lexpressiondz.com/culture/le_temps_de_lire/52792-Un-enfant-tu%C3%A9…%C3%A0-Gaza.html
12 août 2011
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