Mercredi 02 Janvier 2008
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Comment peut-on s’exiler dans son propre exil?
Question simple…et complexe, – l´insolite de cette réflexion court dans toutes les pages de l´ouvrage Délit de survie (*) de Saïd Smaïl. L´auteur est né en 1936, à Draa Ben Khedda. Sa production d´émissions théâtrales l´a fait connaître en 1960 à ses auditeurs de «Radio Alger» (Émissions de langue arabe et kabyle [Elak]). Après 1962, il est chef de Centre de la Radiotélévision Algérienne (RTA) à Tizi Ouzou.
En 1969, il entre franchement dans le journalisme en se consacrant à la page internationale de Révolution Africaine, puis à El Moudjahid en qualité de responsable du bureau régional de ce grand quotidien national à Tizi Ouzou, jusqu´à son «licenciement arbitraire, écrit-il, du journal El Moudjahid en 1994», puis, plus tard, lorsque le quotidien L´Expression est fondé, il y tient une chronique quelque temps.
Pourtant, malgré sa longue expérience de journaliste, ce qui retient davantage l´attention ce sont les ouvrages qu´il a fait éditer à partir de 1988 à Alger et, durant son exil, non choisi, à Paris. Dans ce domaine, la personnalité de l´écrivain l´emporte sur celle du journaliste. Parmi ces ouvrages, émergent tout spécialement Mémoires torturées (une réédition en deux tomes, chez l´Harmattan, Paris, 1996) et L´Île du Diable (éd. Barzakh, Alger 2003). Il faut dire que le sujet traité dans L´Île du Diable est tout simplement une fantasmagorie sur un éden perdu – mais a-t-il seulement existé, cet «éden»? J´y vois un contre-profil d´un pays dont la gloire semble avoir été déjà émoussée comme un sentiment fort d´amour et de liberté. Et là, dans cette Île du Diable, tout est débridé, laissant la voie non plus à l´imaginaire, mais à la réalité sauvage, amère, pleine de la rancoeur et du regret d´un citoyen sevré de bonheur.
Et c´est aussi l´objet du présent ouvrage. Ce délit de survie est, en effet, un long pamphlet qui n´autorise aucun rêve de littérature, car il y a trop de douleur à peindre et l´on ne sait, après coup, si l´analyse suffit au juge pour être juste et à la victime pour se venger. Certes, il n´est pas question de vengeance, ici, mais bien la mise à nu de tout ce qui dérange l´organisation, la mise en place et le fonctionnement de la démocratie. Quelqu´un disait: «La cruauté se multiplie par la foule: et c´est par là que la foule se porte à assister à des supplices dont elle a peur.» Et pourtant, il faut se débarrasser de cette atroce vésanie que constitue le mépris, «el hogra», chez nous. C´est de ce point de vue que le récit autobiographique de Saïd Smaïl touche: il est vraisemblable, il est dur. Dur et vrai. Il faut le supporter si la curiosité intelligente s´y met pour comprendre les desseins de l´épine d´une rose mal épanouie. Une rose?…Pensez-vous! la solitude n´est pas le paradis!
Saïd Smaïl se raconte; sa solitude face à l´exil n´est pas le paradis. Privé de tout, abusé de tout, le voilà personnage d´une vie qu´il n´avait jamais imaginée ni pour lui-même, -ni pour d´autres, du reste. Il énumère tout ce qui pousse à haïr: la déception, le mensonge, la délation, la trahison et, au-dessus de tout, cet immondice «de graves dérives», et aussi hélas! la triste importance de «cet infantilisme politique: « ôte-toi que je m´y mette ».» Alors il faut survivre, si tant est que l´on puisse survivre à l´imparfait qui est un temps bien politique en nos mortels climats.
Mais qui ne sait ce paradoxe terrifiant: la maturité du jugement s´enseigne dans l´expérience de toute une vie? Eh oui! toute une vie!…Saïd Smaïl a-t-il raison d´avoir écrit Ce délit de survie? A-t-il tort de se mettre en scène? En tout cas, c´est par cette tentative de se dire, qu´il dit aussi les autres. Le drame, le drame terrible, est «lorsque la parole c´est du vent, et la foi des apparences», lorsque jamais personne ne dit rien et lorsque survivre c´est un délit.
(*) DÉLIT DE SURVIE
de Saïd Smaïl
Casbah-Éditions, Alger, 2007,
170 pages.
http://www.lexpressiondz.com/culture/le_temps_de_lire/50656-Plus-rien-%C3%A0-caresser.html
12 août 2011
LITTERATURE