Mercredi 28 Février 2007
Par
L’expérience consciente de la vie éduque la volonté de grandir afin de servir son pays.
Cette observation générale peut tenir lieu d´illustration au récit autobiographique intitulé La Vie d´un orphelin de Ameur Khider, ancien militant de l´Étoile Nord-Africaine et du Parti du Peuple Algérien. «Terminé le 25 octobre 1971, avant sa mort, survenue quelques années plus tard, en 1995»,
le manuscrit, proposé à l´éditeur, a inspiré un vif intérêt de le publier après des retouches indispensables d´ordre technique et matériel. L´éditeur nous rassure: «La pensée de l´auteur a été respectée d´une façon rigoureuse et certaines expressions, reflets de sa personnalité, ont été maintenues, sans aucune modification. Ce sont bien les mémoires authentiques de Ameur Khider que nous présentons aux chercheurs et aux lecteurs, d´une façon générale, avec sa pleine responsabilité.»
D´autre part, en conclusion, Ameur Khider avait tenu à justifier l´objet de son récit: «Si j´ai relaté ma vie dans cet ouvrage, c´est dans le but de faire connaître la vie du mouvement national. Ce n´est point pour parler de ma personne, ni de ma vie en tant qu´orphelin. Malheureusement, on peut comparer ma vie d´orphelin à celle de milliers d´Algériens qui gémissaient sous les lois d´exception (code de l´indigénat). Ne pouvant plus supporter le joug impérialiste, notre génération s´est engagée dans une lutte ardente pour préparer le peuple algérien à la révolution. Une génération de notre peuple réalisa le rêve de leurs aînés en se sacrifiant glorieusement aux champs d´honneur pour que l´Algérie vive jusqu´à la fin des siècles.» En fait, la pensée qui a guidé Ameur Khider, tout au long de sa vie, c´est bien cette évidence qu´il a lui-même exprimée comme une proposition définitive: «Que celui qui opte pour améliorer le sort des autres, améliorera le sien.»
Le document, en manuscrit, a été, pour l´édition, revu dans ce sens: Au titre «La vie d´un orphelin» donné par l´auteur, le sous-titre, «Mémoires d´un grand militant», a été ajouté; le récit a été accommodé, ainsi qu´il en ressortait, en deux parties, la première évoque «La prise de conscience» en Algérie, la seconde porte sur le militantisme et «L´organisation politique» en France.
Ce document n´est sans doute pas un travail d´une trop grande précision des faits et des relations entre des militants de la première heure comme le souhaiteraient tous ceux qui s´intéressent au mouvement politique de la résistance algérienne au système colonial français. Il n´empêche que la sincérité de l´auteur de dire le vrai apparaît nettement dans le ton émouvant, la fougue prodigieuse, la sagesse et l´humilité de son propos, et tout particulièrement dans l´accent de bon sens du paysan, peu scolarisé, mais superbement intelligent, qui raconte sa vie de militant. Après la mort de son père, âgé de quarante-huit ans, en 1916, voici donc Ameur orphelin à huit ans, avec deux soeurs mariées et deux frères même pas adolescents. Lui avait pu jusque là aller à l´école. Mais l´héritage laissé par le père est bien pauvre, «Il faut bien maintenant gagner notre vie par nous-mêmes», se résout-il à annoncer à sa mère. À Dellys, dans la région, sur la côte jusqu´à Alger, une vie inconnue commence, difficile, aléatoire, pleine de souvenirs, malgré tout.
Il la raconte. Il est berger, ouvrier à tout faire, écolier par intermittence, ouvrier saisonnier dans les plantations des colons, et le goût de la première victoire contre l´injustice et l´exclusion… Bientôt, le 16 octobre 1929, c´est le départ en France: l´exil et l´espoir d´un royaume (peut-être de solitude ou de solidarité) à se construire.
Puis premier emploi, première adhésion syndicale, première rencontre avec des militants algériens, premières activités pour un journal et une organisation nationale. La flamme du nationalisme brûle en lui: Ameur Khider côtoie les grands chefs et milite de toute la foi dont il est capable pour sa patrie.
Le récit qu´il fait de sa vie est à la fois enthousiasmant et bouleversant. Être homme de ce niveau de conscience et d´humilité, c´est, en vérité, l´unique destin de tout ce qui vit libre.
11 août 2011
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