IZRI, IMAGES DE KABYLIE DE CATHERINE ROSSI ET KARIM TAKEZNOUNT
L’ancolie dans les jardins de Kabylie
Mercredi 06 Décembre 2006
Par
la beauté de cette fleur a le pouvoir exceptionnel de révéler le parfait amour.
De cet amour calme et de douce odeur, on ne trouve rien ailleurs évidemment si l´ancolie ne pousse d´abord dans notre propre jardin. Ne serait-ce pas vraiment cela le sentiment extériorisé par Catherine Rossi et Karim Takeznount dans leur très beau livre Izri, images de Kabylie? D´un format (22×22) pratique et agréable, sous une jaquette gracieuse, des écrits tout en poésie subtile que l´on sent comme le parfum simple d´un pétale d´ancolie et abondamment illustré (dessins au trait, croquis, aquarelles, photographies), l´ouvrage, c´en est un, est magnifique. Il est à la source de notre bonheur de lire et de rêver à la profondeur des images qui s´y développent sous nos yeux émerveillés, car ces images développent leur caractère en de somptueuses peintures vivantes, page après page.
La couverture encadre, ou plutôt libère, une marine ouverte vers l´infini…Oh! quel enchantement! C´est un appel silencieux vers Izri, pépite singulière parmi les pépites fabuleuses de Kabylie. Munissez-vous de vos sens et laissez-vous emmener vers ce qui n´est pourtant pas un rêve, mais une réalité d´amour au naturel, vers une de nos belles régions côtières, vers la séduisante et historique Bidjâya/Bgayet/Bougie, l´ancienne Nâciriya du xie siècle, prodigieuse capitale politique et culturelle d´alors, et sa côte en partie sauvage, -non, point! Disons que cette partie est d´une sauvage beauté, la côte étant encore originelle, encore naturelle, toujours impressionnante, comme une soie grège, -car la célèbre corniche, grâce à la soif joyeuse de la vie de ses habitants et à la flamme libre de ses maisons, reste tout entière humaine. Tout est charme dans cet univers aux couleurs nourries de soleil et de silence, et de sagesse. Suivez les guides.
Le double regard finement artiste de Catherine Rossi et Karim Takeznount est capable de nous porter loin dans les profondeurs de leur sensibilité respective regardant les êtres et les choses, les femmes et les hommes, le ciel et les oiseaux, la mer et la roche, la terre et la montagne. Ils s´installent ensemble: elle, pour dessiner et écrire des poèmes; lui, pour photographier une peinture vivante au naturel exceptionnel. Leur sensation visuelle est vécue intensément avec un précieux accent d´origine, -et la musique équilibrée, construite, monte, comme un murmure plastique tout empreint de signifiance pure, de fonds insoupçonnés offerts par une parfaite mais insaisissable présence qui a quelque chose de particulier: c´est la Kabylie du père de Karim et le pays dont Catherine est tombée amoureuse définitivement. Une sorte de communion profonde assure et rassure les deux artistes sur l´évidence qu´il est des lieux où les regards, où les paroles se rejoignent dans le besoin d´esthétique, de simplement vivre d´amour et de respect mutuel. Et de tolérance.
Alors entrons lentement dans le livre, lisons les pages délicatement écrites, dessinées et photographiées: nous avons Izri, images de Kabylie. Voici des extraits de poèmes: «Dans les nuages, on ne pense pas. /Mots répétés, Bougie, Tichy, quelques souvenirs en creux…[...] Je ne verrai rien. /Les nuages de Kabylie me gardent au secret / Ne découvrant que le ruban incandescent de la piste de Bgayet. (Mer de nuages, sans rêve…)»; «Ici,/C´est encore l´hiver, encore hier, /Terre inconnue, pour moi si secrète, / Montagnes au sens caché, /Bonheurs oubliés, malheurs mythifiés, censurés. Trop de sens, trop de murmures calfeutrés, /La Kabylie aux routes sublimes, criblées d´histoires, /De résistances et de massacres, mémoire chantée, pleurée, /Contes terrifiants, chanteurs martyrs,…[...] Ici, il n´y a pas d´étranger. /Ici, je ne serai pas étrangère, /Tout juste étrangère, peut-être (Ici).»
Et voici d´autres images qu´il faut plutôt retrouver dans le livre Izri, images de Kabylie de Catherine Rossi et Karim Takeznount. En voici une très émouvante, la tombe de Saïd Mekbel, page 200: Des pierres blanches, arrondies,…[...] Des noms, des prénoms, des dates,…[...] Et puis la sienne, blanche, immaculée… (Pour Marie-Laure).
11 août 2011
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