El-haoufi |
Un chant au féminin |
Yacine Idjer |
Info Soir : 03 – 01 – 2007 |
Verve n Le haoufi est un genre de poésie populaire que l’on attribue fréquemment dans l’imaginaire collectif aux hommes, en en excluant les femmes.
Ainsi, «pour des raisons inavouées, il y a des gens qui s’efforcent de faire admettre que la société algérienne est une société d’hommes dans laquelle la femme vit loin de toute activité culturelle (et politique)», souligne Mohamed Elhabib Hachlaf, auteur de El-haoufi,
chants de femmes d’Algérie, paru aux éditions Alpha, ajoutant que «colportés par tous, ces clichés, n’ont pas empêché la femme algérienne de s’assurer une place prépondérante dans la vie du peuple», donc dans la société et la vie culturelle, assumant et assurant sa vocation de gardienne des us et traditions ancestrales, donc de la continuité culturelle et s’associant pleinement à «toutes les actions [sociales et] civilisatrices de l’Algérie».
La femme algérienne se révèle, de tout temps, garante de la mémoire collective, témoin de l’histoire et sujet influent dans la promotion des habitudes culturelles, occupant ainsi «une place de choix dans la société».
Si l’homme chante, la femme en fait de même. Alors qu’elle s’attelait à sa tâche quotidienne, elle chantait. «Elle chante le haoufi, ce genre qui, dans un langage accessible, touche à tous les thèmes», a relevé l’auteur, expliquant que «dans un dialecte libertin, sans être vulgaire, le haoufi touche à tous les thèmes poétiques chers aux grands maîtres de la chanson. Ce genre est si riche et si divers qu’il peut à lui seul faire l’objet de nombreux recueils.» Le haoufi est un genre de poésie où l’interprète (un poète à sa manière) donne libre cours à son inspiration – et même à l’improvisation. Ainsi, «les pièces de poésie consignées dans ce recueil sont quelques-unes de celles que la femme, chez-nous, fredonnait sur les bords de la rivière lorsqu’elle y allait pour laver la laine ou faire la lessive ou sur les terrasses en tirant l’aiguille de sa broderie ou encore quand elle tissait un tapis ou un burnous pour son époux», déclare l’auteur.
«Les grandes chanteuses d’Algérie ont débuté dans ce genre et ont fait merveille pour animer les réunions intimes ; la beauté de leur voix et leur chant juste se sont révélés d’abord dans ces réunions privées, leur renommée s’est répandue dans le public et elles devinrent des professionnelles du genre. C’est le cas de Maâlma Yamna Bent El Hadj El Mahdi, de Cheikha Tetma Tlemçania, de Meriem Fekkaï et, tout dernièrement, de la regrettée Fadila Dziriya…», rappelle l’auteur, regrettant toutefois que «de nos jours, le haoufi tend à disparaître ; l’habitat à l’occidental, la radio et la télévision chassent peu à peu les traditions, les mœurs changent, l’entraide et la solidarité entre voisins et amis se raréfient, le groupe familial se disperse et le bon voisinage n’est plus une loi sacrée.»
Et de conclure : «Nous avons voulu recueillir ce patrimoine afin de sauver de l’oubli cet héritage issu du peuple [ légué de génération en génération par nos femmes] et qui témoigne de sa culture et de ses traditions millénaires.»
11 août 2011
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