LE TEMPS DE LIRE
COLONISATION ET POLITIQUE D’ASSIMILATION EN ALGÉRIE (1830-1962) DE DJAMAL KHARCHI
Le quiproquo de l’assimilation
Mercredi 20 Avril 2005
Par
Après l’échec de sa machine de guerre en Algérie, la France colonialiste forgea une arme redoutable.
Cette arme qu´elle pensait, qu´elle voulait fatale à tout un peuple pour le déposséder de ses droits nationaux, elle l´appela «politique d´assimilation». C´est ce que Djamal Kharchi, avec la finesse du poète (il a publié deux recueils de poésie) et l´argumentation du juriste (il a fait des études en post-graduation en droit), se propose de montrer dans son ouvrage Colonisation et politique d´assimilation en Algérie (1830-1962) (*). Il écrit tout net: «Dans son principe comme dans ses objectifs, la politique d´assimilation avait programmé la mort de la nation algérienne.»
En réalité, la subtilité (si j´ose dire) de cette «appellation» permettait de couver un danger mortel pour le peuple algérien, ce qui, honnêtement, n´est pas niable à l´analyse sérieuse et humaine de l´histoire de 132 ans d´occupation coloniale. Et il faudrait ajouter à cela l´excellente remarque de Kharchi: «L´ambivalence qui caractérisait la politique d´assimilation, donna lieu à des applications insidieuses et sectaires.» Voilà donc recadrée la réflexion politique générale définitive de l´idéologie coloniale qui, en considération des visées militaires et politiques de la France, élève ainsi la guerre de conquête en bonne nouvelle apportant la civilisation à la barbarie!
Ce discours légitima la conquête et la colonisation algériennes. Tous les beaux esprits, à quelques rares exceptions près, de la classe française envoûtés par la montée du romantisme européen et le goût soudain du pittoresque découvert dans l´étrange et l´étranger, approuvèrent l´expansion coloniale.
De plus, nous disent certains historiens: «La colonisation fut souvent considérée, notamment par la gauche, comme un remède possible à la question sociale.» Et donc la civilisation européenne a prévalu au détriment de la dignité et de l´intelligence du genre humain d´Algérie. Alors la France officielle ignorant les débats politiques, les émergences démocratiques, les positions de ses républicains, les tendances politiques de ses intellectuels libertaires – avant la lettre – et contre l´opinion publique française, s´engagea dans la guerre de conquête, au reste tout comme beaucoup de puissances militaires et industrielles de l´Europe conquérante du XIXe siècle.
L´ouvrage de Kharchi va expliquer, dans le détail, tous les épisodes de la colonisation de l´Algérie «dont les différentes séquences témoignent d´événements qui marquèrent, à des degrés divers, aussi bien la France que l´Algérie».
Il s´attarde, comme il convient, sur l´assimilation en précisant que: «Dans la succession des faits les plus significatifs de l´histoire coloniale de l´Algérie, le champ de l´assimilation revêtit divers contours et expressions politiques.» Il en indique les «étapes», les commente et conclut: «La société coloniale aura ainsi vécu sur une double fiction, celle de croire à une Algérie territorialement assimilée à la France et à une possible refondation de l´identité nationale algérienne. Les termes d´assimilation, d´émancipation ou d´intégration ne servaient qu´à définir une seule et même politique attentatoire à l´existence nationale du peuple algérien. [...] En réalité, la politique d´assimilation culturelle et sociale de l´Algérie musulmane n´était qu´une chimère bâtie sur des préjugés et une fausse interprétation de l´histoire. Par un effet paradoxal, elle fut plutôt le catalyseur de la régénérescence du nationalisme algérien.»
Voilà un ouvrage franc et lucide, qui gagnerait à être lu franchement et lucidement, sur les deux rives de la Méditerranée, afin que l´émotion – celle des misérables d´hier (les Algériens colonisés, fichés hors-humanité) et celle des misérables qui constituaient la communauté française de l´Algérie coloniale et qui ont encore aujourd´hui le sentiment d´avoir perdu un pays – soit authentique pour s´assimiler librement l´idée de paix et de respect mutuel.
Or donc la réponse est, évidemment, au coeur d´un vrai dilemme, selon que l´on est resté en Algérie ou que l´on est resté en face de l´Algérie.
Colonisation et politique d´assimilation en Algérie (1830-1962)
par Djamal Kharchi
Casbah-Éditions, Alger, 2004, 574 p.
11 août 2011
1.LECTURE, Colonisation