Le Carrefour D’algérie
Mercredi 10 Août 2011
Soug ennsa
Par Farida T.
Superstitieux dites-vous ?
Il est vrai qu’avouer être superstitieux ne fait jamais très moderne ni très intellectuel. La superstition ne rime pas avec un esprit cartésien, n’empêche, le plus rationnel des cerveaux algériens, a des petites, très petites,
d’infimes appréhensions irrationnelles dans les encoignures dont il n’arrive pas à se débarrasser. Le plus pertinent de nos chercheurs, le plus averti des négociants et hommes d’affaires, le plus pragmatique des pédagogues accroche un chapelet à son rétroviseur, glisse un petit «coran» dans la boîte à gants, épingle un talisman minutieusement cousu dans un tissu blanc dans la poche intérieure du costume VERSACE et verse un peu de sucre dans la malle da sa grosse cylindrée. Même les plus scientifiques évitent de se passer le sel à table ou de couper le pain plutôt que de le rompre surtout s’ils sont treize à cette même table. Les plus «lettrés» donc, s’amuseront à faire un vœu au passage d’une étoile filante et souriront malgré eux en cueillant un trèfle à quatre feuilles… Evidemment, ceux-là sont les plus discrets, car les superstitieux purs et durs, ceux qui n’ont pas honte de l’afficher du haut de leur gandoura, accrochent un pneu sur chaque façade de leur maison cubique à 3 étages, un totem, tel que la main de Fatma à l’entrée de la maison, un fer à cheval, un verset du coran, le fameux œil bleu qui vous fixe quoique vous regardiez, l’élevage de tortues pour contrer les mauvais sorts, et les pattes de lapins accrochées au mur de faïence. Les plus convaincus et les plus paranoïaques surtout vont jusqu’à faire le parterre de la maison avec l’eau de sept vagues, et embaumer l’ambiance d’encens tous les vendredis avant la prière. Ils rebroussent chemin s’ils croisent un chat noir et ne coupent pas les cheveux de leurs bébés «mâles» jusqu’à sa circoncision pour contrer le mauvais oeil, pour les bébés «femelles» par contre, ça ne s’envie pas, ça s’accepte comme une fatalité. Le mauvais œil: c’est lui que tout le monde craint comme s’il en existait un bon. A cet œil malveillant donc, on reproche nos échecs, nos fatigues, nos oublis et nos maladresses, mais pas seulement, le mauvais œil a le dos large et la liste de nos incidents est également longue ce qui, par ricochet, nous amène à une surface d’action plutôt grande «œil»… un talon qui se casse, une tâche sur le pantalon, une panne de voiture, une égratignure… tous nos ennuis seraient engendrés par ce regard envieux de jalousie. C’est plus facile pour nous de trouver quelqu’un à accuser, ou bien une force paranormale contre laquelle le commun des mortels est tellement impuissant. C’est apaisant et rassurant pour l’homme de pouvoir identifier un rapport de cause à effet. C’est d’autant plus facile que c’est irrationnel et inexplicable. C’est beaucoup plus facile que de s’avouer que nos échecs sont souvent le fruit de notre médiocrité, surtout pour nous, dans le pays d’«ALLAH GHALEB».
10 août 2011
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