XVIII. Nous avions déjà fait un bout de chemin quand l’aurore vint à paraître; et tout s’éclaire autour de nous. Alors, d’un oeil empressé, je cherche sur le cou de mon camarade la place où j’avais vu l’épée se plonger. Étrange hallucination! Le sommeil et le vin ont-ils seuls créés ces affreuses images?
Voilà Socrate, sain, dispos, sans une égratignure; plus de blessure, plus d’éponge, pas la moindre trace de cette plaie qui brillait si horriblement tout à l’heure. Puis, m’adressant à lui: Vraiment les médecins ont bien raison, quand ils prétendent que c’est aux excès de table qu’il faut attribuer les mauvais rêves. J’avais trop levé le coude hier au soir. Aussi la nuit ne m’a pas été douce, j’ai bien eu le plus abominable cauchemar… À cette heure encore, je crois me voir souillé, inondé de sang. Non pas de sang, reprit-il d’un ton ricaneur, mais bien de quelque autre chose. Au surplus, j’ai rêvé aussi, moi, et rêvé qu’on me coupait le cou. Une atroce douleur m’a saisi à la gorge; il m’a semblé qu’on m’arrachait le coeur. Tiens, je respire encore à peine; les genoux me tremblent, je chancelle en marchant. Il me faudrait, je crois, quelque chose à manger pour me remettre. Ton déjeuner est tout prêt, lui dis-je en ôtant mon bissac de dessus mon épaule, et m’empressant d’étaler du pain et du fromage devant lui. Asseyons-nous sous ce platane.
8 août 2011
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