XIV. À peine ont-elles repassé le seuil, que les battants de la porte se rejoignent, les gonds se replacent, les barres se rapprochent, les verrous se referment. (2) Quant à moi, j’étais gisant à terre, tout haletant, tout trempé de cette dégoûtante aspersion, nu et transi comme l’enfant sort du ventre de sa mère; ou plutôt j’étais à demi-mort,
ne me survivant, en quelque sorte, à moi- même, que pour me sentir dévolu au gibet. (3) Que deviendrai-je, lorsque demain on va voir ce pauvre garçon égorgé? Quand je dirais ce qui en est, personne voudra-t-il me croire? Un gaillard comme vous ne pouvoir tenir tête à une femme? (4) Vous aviez du moins la force de crier au secours. Un homme est égorgé, là sous vos yeux, et vous ne soufflez pas! (5) Pourquoi n’avez-vous pas été victime du même attentat? Et les auteurs de cette atroce cruauté en auraient laissé vivre le témoin, tout exprès pour la révéler! Ah! vous avez échappé cette fois à la mort! eh bien! ce sera la dernière. (6) Voilà ce qui passait et repassait dans ma tête. Et cependant la nuit tirait à sa fin. Dans cette perplexité, je jugeai n’avoir rien de mieux à faire que de partir furtivement avant le jour, et de gagner au pied aussi vite qu’on peut le faire à tâtons. (7) Je prends donc mon léger bagage, et, tirant les verrous, j’introduisis la clef dans la serrure. Mais vingt fois je tourne et retourne en tous sens, avant que cette honnête, cette excellente fermeture qui, pendant la nuit, avait si bien su s’ouvrir d’elle-même, voulût enfin me livrer passage.
8 août 2011
1.Extraits