XIII. À ces mots je sens une sueur froide circuler sur tout mon corps, un tremblement convulsif me remue jusqu’aux entrailles, et imprime de telles secousses à tous mes membres, que le lit s’agite et semble danser sur mon dos. (2) La douce Panthia dit alors: Que ne commençons-nous, ma soeur,
par mettre en pièces celui-ci à la façon des bacchantes? Ou bien, nous pourrons encore le garrotter bien serré, et le châtrer à notre aise. (3) Non, dit Méroé (car je ne pus méconnaître l’héroïne de l’histoire de Socrate), laissons- le vivre, pour qu’il jette un peu de terre sur le corps de cet autre misérable. (4) Alors, faisant pencher sur l’épaule gauche la tête de Socrate, elle lui plonge dans le cou de l’autre côté l’épée qu’elle tenait, jusqu’à la garde. (5) À l’instant où le sang jaillit, elle le reçut avec précaution dans une petite outre et sans en répandre une seule goutte. Voilà ce que j’ai vu de mes propres yeux. (6) Ce n’est pas tout. Pour ne rien omettre, sans doute, des rites d’un sacrifice, la tendre Méroé enfonce sa main dans la plaie, et, fouillant jusqu’aux viscères de la victime, en retire le coeur de mon malheureux camarade. Le coup lui avait tranché la gorge, et sa voix, ou plutôt un râle inarticulé, se faisait jour, avec l’air des poumons, au travers de l’horrible blessure. (7) Panthia en boucha l’orifice avec l’éponge: Éponge, ma mie, disait-elle, enfant de la mer, garde- toi de l’eau douce. (8) Cela fait, elle relève mon grabat, et, jambe de çà, jambe de là, les voilà qui s’accroupissent sur moi l’une après l’autre, et, lâchant leurs écluses, m’arrosent à l’envi d’une eau qui n’était pas de senteur.

































8 août 2011
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