Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Acheter de l’échec
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Dimanche 31 juillet : Quelle université ?
La meilleure université algérienne, le nec plus ultra, Mentouri de Constantine, est classée… 2142e dans le classement mondial. Même sur 12 000 universités, ça reste un peu juste quand même ! Y a de quoi rabattre le caquet des cocoricos qui par chez nous ont une tendance naturelle a clamer en toutes circonstances que c’est-nous-toujours-les-meilleurs-du-monde ! Les autres universités du pays, tu l’as deviné, c’est encore pire.
Vise un peu : Tlemcen est à la 2576eplace, Babez occupe sans complexe la 3286e position et l’université de Bel Abbès caracole gaiement à la 4831e. On a beau engloutir des milliards dans des «Tlemcen, capitale de la culture islamique», ça n’améliore, on le voit, ni notre niveau de culture et encore moins notre instruction. Autrefois, quand l’Algérien traînait la patte sur les compétitions mondiales quelles qu’elles soient, il se rabattait dare-dare sur le monde arabe ou sur l’Afrique où il se croyait le champion indétrônable. Souviens-toi de la plus grande gare d’Afrique, de la meilleure université du continent, du plus beau je ne sais quoi de je ne sais qui ! Eh bien, cette fois-ci, c’est wallou. La meilleure université algérienne est 23e dans le classement arabe et 20e en Afrique. Rien à gratter comme prestige ! Quand on compare nos universités à ce qu’elles étaient il y a trente ans, on mesure la régression. Et on comprend mieux les exigences des parents et surtout pourquoi un si grand nombre d’étudiants ne songe qu’à se tirer. On avait à peine besoin de ce classement pour s’apercevoir du naufrage de l’université algérienne. Parmi les milliers de symptômes qui attestent de ce mal profond et rédhibitoire, je veux en retenir deux. Le premier est l’assassinat en octobre 2008 par un étudiant du professeur Benchehida Mohamed de l’université de Mostaganem. Loin d’être un simple fait divers, l’acte montre que le dérèglement de l’université a poussé cet étudiant à considérer qu’il était dans ses capacités d’améliorer ses notes autrement que par le travail. L’intimidation poussée à son extrémité a été fatale. Le deuxième symptôme est cet étrange usage du djelbab qui sert à des étudiantes d’une université d’Alger à dissimuler des ordinateurs portables connectés sur internet lors des examens. Du n’importe quoi !
Lundi 1er août : Frontière
Mohammed VI remet ça. Dans son discours du trône, il voudrait que les frontières entre le Maroc et l’Algérie fermées depuis 18 ans soient rouvertes. Certes comme une porte, une frontière est faite pour être fermée ou ouverte, jamais à moitié. Mais pourquoi revient-il sur ça ? Les décodeurs y voient plusieurs choses. D’abord, la libre circulation avec l’Algérie ne peut que profiter à la croissance marocaine. Il y circulera de l’argent, des produits alimentaires… Ensuite, la crise qui a frappé l’Espagne prive le Maroc d’un bon nombre de touristes que remplaceraient volontiers les Algériens si les frontières étaient ouvertes. Tout gagnant !
Mardi 2 : Ramadan
Comme il fallait s’y attendre, les prix des fruits et légumes ont flambé. La cause est instantanée et efficace, c’est Ramadan. Ceux qui triturent les prix au nom de Dieu savent qu’on ronchonne mais qu’on finit pas la mettre au porte-monnaie, cette foutue main rétive ! Ils connaissent tout ça par cœur. Ils n’ignorent pas non plus que l’Etat ne fera rien pour protéger les consommateurs tenus en otages par des commerçants sans scrupules. C’est trop beau, cette occasion de se faire du pèze ! Trop beau !
Mercredi 3 : Moubarak
On se pince pour savoir si on rêve ou pas. Moubarak encagé ? Et ses dauphins à qui jadis le royaume était promis comme un héritage dynastique aussi ? Et ses potes ? Et ses sbires ? Tout ce beau monde est convoqué derrière les barreaux d’une cage de fauve ? Il va sauter de sa geôle et semer la psychose parmi la foule ? Non, ce n’est pas vrai ! Celui qui avait le pouvoir pharaonique de décider de combien de doses d’oxygène un Egyptien avait besoin pour respirer est là, allongé sur une civière, réduit à la réalité de l’ectoplasme ! Un grabataire transporté de force pour montrer comme dans un cirque comment peuvent finir les puissants ! Si le spectacle donné involontairement par Moubarak et fils est choquant, il n’est pas pour autant efficace. L’ostentation ne sert pas le sérieux et la solennité de la justice. Ce n’est pas parce qu’on nous le montre dans une cage, face à une cour patibulaire et un public très nombreux et excité, que le procès est exemplaire. Tout au contraire, le besoin de spectacle est suspect. Plus que sur la forme, c’est sur le fond que ce procès pose problème. Moubarak est certainement coupable de plein de choses mais il n’est pas impossible qu’il doive payer pour un système qui lui survit déjà puisque ceux qui tirent les ficelles dans l’armée et les moukhabarates en sont d’autres composantes.
Jeudi 4 : Hadj-Nacer
Lu la passionnante interview dans El Watan de Abderrahmane Hadj-Nacer. L’ancien gouverneur de la Banque centrale qui voulait réaliser dans les années 1990 la convertibilité du dinar allie aujourd’hui une paisible lucidité à l’esprit d’analyse et au courage de dire. Bravo ! On a envie de tout citer dans ce festival de pertinences. Mais je vais prendre juste ceci qui résonne avec la question sur les universités. «Tous les pays, dit-il, ont avancé, et nous, nous passons notre temps à faire des constats. Nous sommes les derniers de la classe en tout. Prenez l’exemple de l’équipe nationale de football. ( …) Nous faisons appel à des joueurs avec une culture de discipline et on les met dans une situation d’indiscipline. Des sommes considérables ont été dépensées pour cette équipe de football. Nous avons acheté de l’échec.»
Vendredi 5 : Taraouih !
Ça grince, côté taraouih ! Y’a des imams qui n’en font qu’à leur tête oubliant qu’il y a un ministre des cultes ! C’est pourquoi Bouabdallah Ghlamallah, le bien nommé, reprend son bâton de pèlerin pour aller prêcher «l’allégement » des taraouih ! Il ne veut pas qu’on sorte des rails et qu’on reste algérien jusque dans la récitation du Coran qui doit se faire sur le mode ouarch. Le Haut Conseil islamique vient en renfort, qui déplore «la prolifération de l’anarchie dans le domaine des prêches religieux et de la fetwa». Il ajoute : «N’importe qui s’érige en spécialiste des questions religieuses, donnant son avis sur des choses qu’il ne maîtrise pas et dont il n’a pas connaissance.» C’est bien vrai, tout ça ! Il n’est pas de l’ordre de l’impossible de deviner que c’est une façon de réduire l’influence intégriste sur les mosquées en Algérie. Mais – oui il y a forcément ce mais-là —, ça fait une belle jambe de vouloir faire sortir ce à quoi on a ouvert si complaisamment la porte. Eh bien, dansez maintenant !
A. M.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/08/07/article.php?sid=121135&cid=8
7 août 2011
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