Suspense
La mystérieuse affaire de Styles (66e partie)
Résumé de la 65e partie : Poirot pourra-t-il convaincre Summerhaye de l’innocence de Inglethorp ?
Mesdames, messieurs, dit Poirot en saluant comme un conférencier, je vous ai demandé de vous réunir ici. Le but de cette réunion concerne Mr Alfred Inglethorp.
Inglethorp était assis un peu à l’écart. Je crois qu’inconsciemment chacun avait légèrement éloigné sa chaise de la sienne. Il eut un léger tressaillement lorsque Poirot prononça son nom.
— Monsieur Inglethorp, enchaîna Poirot, s’adressant directement à lui, une ombre tragique plane sur cette demeure.
lnglethorp hocha tristement la tête.
— Ma pauvre femme, murmura-t-il. Pauvre Emily ! C’est terrible.
— Je ne crois pas, monsieur, continua Poirot sèchement, que vous vous rendiez tout à fait compte combien la situation peut être grave pour vous.
Et comme lnglethorp ne paraissait pas saisir la portée de ces paroles, il insista :
— Monsieur Inglethorp, vous courez un très grand danger.
Les deux détectives s’agitèrent. Je vis l’avertissement officiel : «Tout ce que vous direz servira contre vous», voler sur les lèvres de Summerhaye. Poirot reprit :
— Me comprenez-vous, maintenant, monsieur ?
— Non, que voulez-vous dire ?
— Je veux dire, déclara Poirot délibérément, que l’on vous soupçonne d’avoir empoisonné votre femme.
A cette franchise, un petit cri s’échappa de tous les assistants.
— Juste ciel ! s’écria lnglethorp, en se levant d’un bond. Quelle idée monstrueuse ! Moi ! empoisonner ma très chère Emily ?
— Je ne crois pas, continua Poirot, en le surveillant étroitement, que vous ayez bien compris l’impression défavorable que votre déposition a produite à l’enquête. Monsieur Inglethorp, après ce que je viens de vous dire, continuerez-vous à refuser de nous apprendre où vous étiez lundi après-midi, à six heures ?
Alfred Inglethorp se laissa retomber sur sa chaise en poussant un sourd gémissement, et il enfouit son visage dans ses mains. Poirot s’approcha de lui et le domina.
— Parlez ! cria-t-il d’une voix menaçante.
— Non, je ne crois pas que personne puisse être assez infâme pour m’accuser de ce que vous dites.
Poirot hocha la tête, comme s’il venait de prendre une grave décision.
— Soit, dit-il. Alors, je parlerai pour vous.
Alfred Inglethorp se dressa de nouveau.
— Vous ? Comment pouvez-vous parler ? Vous ne savez pas.
Il s’interrompit vivement.
Poirot se retourna et nous fit face :
— Mesdames, messieurs. Je vais parler ! Ecoutez ! Moi, Hercule Poirot, j’affirme que l’homme qui est entré chez le pharmacien et qui y a acheté de la strychnine à six heures, lundi soir, n’était pas Mr Inglethorp, car, à six heures du soir de ce jour, Mr Inglethorp raccompagnait Mrs Raikes chez elle, revenant d’une ferme voisine. Je puis citer cinq témoins qui jureront les avoir vus ensemble, soit à six heures, soit un peu plus tard. Et comme vous le savez peut-être, la ferme de l’Abbaye, la demeure de Mrs Raikes, est située à au moins deux milles et demi du village. L’alibi ne fait donc aucun doute. (A suivre…)
D’après Agatha Christie
http://www.infosoir.com/edit.php?id=130360
5 août 2011
1.Extraits