Histoires vraies
Petting Party (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie : En voyant l’uniforme bleu du policier, Margaret se dresse sur son lit et s’écrie : «C’est Ernest…»
Quelques instants plus tard, Foutch, menottes aux poings, encadré d’uniformes et suivi du policier au regard torve, arpente le couloir de l’hôpital. Aux parents, aux amis de Margaret qu’il croise et qu’il connaît très bien pour la plupart, il répète inlassablement :
«Ce n’est pas moi. Je vous assure que ce n’est pas moi. Vous vous doutez bien que ce n’est pas moi. Le policier a dû se tromper. Elle m’a peut-être appelé mais elle ne peut pas m’avoir accusé, c’est impossible.»
Le père et la mère de Margaret sont hésitants. Pour eux, Ernest Foutch est un brave garçon tout à fait anodin. L’affection qu’il avait pour leur fille était évidente, mais son honnêteté comme son insignifiance en font un coupable peu crédible. Peut-être en effet le policier a-t-il mal compris.
Foutch d’ailleurs a repris son sang-froid. Même lorsque le policier ouvre la porte de la chambre de Margaret et lui fait signe d’entrer, il reste parfaitement calme. Il est clair que c’est une manœuvre pour l’impressionner. Mais que risque-t-il ? Margaret, immobile dans son lit, blanche, respirant à peine, est aux frontières de la mort, c’est visible.
Foutch se tourne vers le médecin. A voix basse et courtoisement il demande :
«Vous étiez là, docteur, lorsqu’elle a prononcé mon nom ?»
Le docteur fait un signe de tête affirmatif.
«Mais enfin.., ce n’est pas possible… Vous êtes sûr qu’elle a dit « Foutch »?
— Non… reconnaît le docteur. J’étais là quand elle a prononcé un nom. Je crois bien, enfin je suis à peu près sûr qu’elle a parlé d’un certain Ernest. Mais je n’ai pas compris le nom qu’elle a murmuré après. Le policier, lui, croit avoir parfaitement entendu… Mais moi je n’en suis pas certain.»
Les trois hommes se regardent un instant en silence. Une infirmière leur jette un regard réprobateur : s’ils ont à converser ils feraient mieux de retourner dans le couloir.
«Écoutez, reprend Ernest Foutch toujours à voix basse en s’adressant au policier. J’affirme que je ne suis pour rien dans cette affaire. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions mais pas ici… et lorsque vous m’aurez retiré ces « machins ».» Il montre ses menottes avec un air de bon citoyen outragé.
Cette fois le policier commence à perdre pied. Après tout, il est possible qu’il ait mal entendu. Et en parlant d’Ernest Foutch, est-ce vraiment son agresseur que Margaret a voulu désigner ? Il va lui être difficile de garder cet homme dans ces conditions.
Il s’apprête à demander à l’un des collègues qui attendent dans le couloir les clefs pour retirer les menottes d’Ernest Foutch. Mais c’est compter sans l’extraordinaire vitalité contenue dans le jeune corps de Margaret. Un bruit de verre brisé fait sursauter tout le monde. Une infirmière vient de laisser tomber un flacon. Elle regarde derrière eux, les yeux exorbités, et ils se retournent tous les trois.
Arrachant le tuyau du goutte-à-goutte, rejetant le masque à oxygène, Margaret s’est dressée une fois de plus entre ses draps, hurlant malgré sa gorge ouverte :
«C’est lui… C’est lui… Arrêtez-le !»
Alors la résistance d’Ernest Foutch s’est effondrée. Livide, claquant des dents devant cette accusation venue d’outre-tombe, il est passé aux aveux, quelques minutes plus tard.
Pendant un mois dans sa cellule il a attendu chaque jour, comme tout le monde à Corington, des nouvelles de Margaret. Allait-elle vivre ? Allait-elle mourir ? Comme tout le monde, il souhaitait qu’elle vive. En effet, si Margaret guérissait il s’en tirerait avec le «bagne à perpétuité». Si elle mourait il avait de fortes chances de finir sur la chaise électrique… Or Ernest, comme tous les assassins, ne tenait pas à mourir.
Margaret aussi voulait vivre. Elle a donc vécu. Et par cela même sauvé de la mort son assassin raté.
Pierre Bellemare
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3 août 2011
1.Contes