Au coin de la cheminée
La vieille maison (4e partie)
Résumé de la 3e partie : L e vieux monsieur dit au petit garçon qu’il ne souffre pas de la solitude puisqu’il vit avec ses souvenirs…
Le
jour déjà ne semble pas vouloir finir ; mais la soirée sera encore plus
affreuse. Ce n’est pas comme chez toi, mon maître ; ton père et ta mère
causent joyeusement ; toi et tes frères et sœurs vous faites un
délicieux tapage d’enfer. On se sent vivre au milieu de ce bruit. Le
vieux, ici, jamais on ne lui donne de baisers, ni d’arbre de Noël. On
lui donnera un jour un cercueil et ce sera fini. Non, j’en ai assez.
Il ne faut pas voir les choses du mauvais côté, répondit le petit
garçon. A moi, tout ici me paraît magnifique, et encore n’ai-je pas vu
toutes les belles choses que les vieux souvenirs font passer devant les
yeux du maître de céans.
Moi non plus, je ne les aperçois, ni ne les verrai jamais, reprit le soldat de plomb. Je te prie, emporte-moi.
Non, dit le petit, il faut que tu restes pour tenir compagnie à ce bon
vieux monsieur. Le vieillard, qui paraissait tout rajeuni et avait l’air
tout heureux, revint avec d’excellents gâteaux, des confitures
délicieuses, des pommes, des noix et autres friandises ; il plaça tout
devant son petit ami, qui, ma foi, ne pensa plus aux peines du soldat de
plomb. L’enfant retourna chez lui, s’étant diverti à merveille. Le
lendemain, il était à sa fenêtre, et il fit un signe de tête au vieux
monsieur, qui le lui rendit en souriant. Une neuvaine se passa, et alors
on revint prendre le petit garçon pour le mener à la vieille maison.
Les trompettes entonnèrent leur schnetterendeng, ta-ta-ra-ta. Les
chevaliers et les belles dames se penchèrent hors de leur cadre pour
voir passer ce petit être, si jeune ; les fauteuils débitèrent leur
knik-knak ; le cuir des murailles déclara qu’il était plus durable que
la dorure ; enfin tout se passa comme la première fois ; rien ne
changeait dans la vieille maison. «Oh ! Que je me sens malheureux»,
s’écria le soldat de plomb. «C’est à périr ici. Laisse-moi plutôt partir
pour la guerre, dussé-je y perdre bras et jambes, ce serait au moins un
changement. Oh, emmène-moi ! Maintenant je sais ce que c’est que de
recevoir la visite de ses vieux souvenirs, et ce n’est pas amusant du
tout à la longue.» «Je vous revoyais tous à la maison, comme si j’étais
encore au milieu de vous. C’était un dimanche matin, et vous autres
enfants vous étiez réunis, et les mains jointes vous chantiez un psaume ;
ton père et ta mère écoutaient pieusement. Voilà que la porte s’ouvre
et que ta petite sœur Maria, qui n’a que deux ans, fait son entrée. Elle
est si vive et elle est toujours prête à danser quand elle entend
n’importe quelle musique. Cette fois vos chants la mirent en mouvement,
mais cela n’allait guère en mesure ; la mélodie marchait trop lentement ;
l’enfant levait sa petite jambe, mais il lui fallait la tenir trop
longtemps en l’air ; cependant elle dandinait comme elle pouvait de la
tête. Vous gardiez votre sérieux, c’était pourtant bien difficile. Moi,
je ris tant, qu’au moment où une grosse voiture vint ébranler la maison,
je perdis l’équilibre et je tombai à terre, j’en ai encore une bosse.
Cela me fit bien mal ; mais j’aimerais encore mieux tomber dix fois par
jour, chez vous, que de rester ici, hanté par ces vieux souvenirs.
Dis-moi, chantez-vous encore les dimanches ? (A suivre…)
http://www.infosoir.com/edit.php?id=130314
3 août 2011
1.Contes