Edition du Mardi 02 Août 2011
Chronique
Pauvreté endémique et couffin médiatique
Par : Mustapha Hammouche
La campagne de promotion de l’opération “couffin du Ramadhan” connaît son comble. Comme prévu par le Conseil des ministres du 10 juillet dernier, les communes vont distribuer près de un million et demi de couffins. Et le ministère de la Solidarité pourra se prévaloir d’avoir amélioré l’ordinaire d’autant de familles pendant ce mois de Ramadhan.
La communication officielle s’efforce de présenter ce constat d’indigence massive comme un énorme progrès : “le couffin de Ramadhan connaît cette année une amélioration qualitative et quantitative par rapport aux années précédentes”.
Or, avec une moyenne de cinq membres minimum par famille, l’opération aura révélé que quelque sept million et demi d’Algériens ont un problème d’alimentation. Si, en plus, sept cents restaurants — il n’est pas dit si le chiffre englobe les restaurants d’initiative privée — cela exprime le niveau alarmant de la pauvreté dans le pays.
Si, ainsi, plus du cinquième de la population a besoin d’être soutenue pour s’assurer une nourriture décente pendant le mois de jeûne, il faudrait peut-être prendre acte de cette réalité pour envisager des mesures politiques plutôt que de s’en servir pour soigner l’image d’un état charitable.
Il y a quelque chose de gênant dans cette posture d’institution caritative que l’état prend à chaque veille de Ramadhan, célébrant l’importance — croissante !– de son intervention pour améliorer la qualité de l’alimentation des plus pauvres et se comportant comme un pieux fidèle qui devient généreux le temps d’une pieuse occasion.
En d’autres époques de l’année, c’est l’autorité publique qui serait offusquée de cette allégation de sept millions et plus de nécessiteux. On se souvient des efforts sémantiques de l’ancien ministre de la Solidarité pour nous expliquer la différence entre seuil de pauvreté et seuil d’indigence, suggérant que les pauvres du couffin du Ramadhan ne sont pas tout à fait des pauvres, mais sans expliquer pourquoi apporter le couffin à des citoyens qui ne sont pas tout à fait pauvres.
Mais si les pauvres ne sont pas si nombreux le reste du temps, voilà qu’en cette circonstance particulière, les autorités se vantent d’avoir volé, dans un élan de miséricorde, au secours de tant de citoyens dans le besoin.
Et comme notre état ne semble plus avoir de contraintes à engager des dépenses de conjoncture, il en fait une opportunité de marketing politique, une campagne à quelque cinq milliards de dinars soutenue par un tapage médiatique qui ne sied point à l’esprit théorique de l’opération.
Au lieu de cela, la question gagnerait à faire l’objet d’une réflexion politique visant à faire refluer ce phénomène d’appauvrissement qui accompagne pourtant une propension à la dépense jamais observée dans notre pays.
Car une pieuse miséricorde reste une miséricorde de circonstance. Il vaut mieux peut-être s’attaquer aux causes de l’indigence qu’à son colmatage occasionnel et bruyant.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=160300
2 août 2011
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