Edition du Dimanche 17 Janvier 2010
Chronique
Morituri
Par : Mustapha Hammouche
L’auto-humiliation que l’Algérie a entrepris de s’infliger depuis une dizaine d’années ne semble pas connaître de limite. Aucune insurrection, si légitime et si forte soit-elle, n’aurait pu espérer autant d’un État.
Compter les années de maquis dans le calcul de sa retraite, voilà ce dont aucun insurgé, et encore moins un terroriste, n’aurait jamais rêvé. Cela l’État algérien l’a rendu possible. C’est à son Assemblée que le gouvernement a réservé la primeur de cette nouvelle réalisation dans la voie de “la réconciliation”. Son ministre du Travail et des Affaires sociales en a fait l’annonce officielle et solennelle. Bravo ! Voilà le travail, Monsieur Louh !
Le fait que deux colonels de l’ANP furent assassinés la veille et qu’ils n’étaient pas encore enterrés n’a pas fait hésiter le porteur de la bonne nouvelle. On ne fait pas attendre les “frères”. “Ave, César, ceux qui vont mourir te saluent !” Ceux qui sont déjà morts aussi.
Le ministre a même forcé sur le détail : la retraite des terroristes est “garantie” et le rachat des cotisations se fera “sur le budget de l’État”. Comme cela, nous ne pourrons pas faire la fine bouche sur la différence de contribution.
Les terroristes disposent tous d’une attestation de faits d’armes ; il restera peut-être aux administrations de Louh, de Ould Abbès et de Ksentini – et autres institutions prioritairement dédiées à satisfaire au confort moral et matériel des anciens terroristes – à évaluer les années de services, à distinguer entre les engagés de la première heure des éventuels imposteurs du… 2 mars.
D’ici que des terroristes se présentent avec leurs deux témoins pour se faire établir “l’attestation”, que leurs “émirs” exigent d’être, en bons cadres, affiliés au Fonds spécial et de profiter d’une retraite de cadres à cent pour cent et indexée sur le mouvement des salaires de hautes fonctions…
Depuis le référendum, les privilèges des terroristes ne se sont pas arrêtés à l’impunité : il ne se passe pas une saison sans que de nouvelles mesures ne viennent allonger la liste longue de leurs acquis. Dans un pays où les jeunes qui n’ont pas la vocation criminelle se rabattent sur le suicide de la “harga”, on développe tant d’imagination pour courtiser les terroristes en rupture, souvent provisoire, de ban. Et dans ce même pays, où l’on ne s’émeut point que l’État se soucie des plans de carrière des terroristes, on s’effarouche de ce que certains aéroports étrangers nous promettent une fouille poussée. Demandons-nous ce qui des deux est plus humiliant : de voir notre Trésor public cotiser pour la retraite de ceux qui ont tué nos Patriotes et violé nos femmes ou de nous voir électroniquement défroqués dans une aérogare étrangère ?
Pendant que l’État planche sur la sécurité sociale des terroristes, le football, feuille de vigne de la misère nationale, s’emploie à entretenir le patriotisme ébahi de gradins et de canapé. Aussitôt ses dirigeants, aveuglés par leur rôle bien rétribué de charmeurs de serpents, commencent, à l’image de Saâdane, à décerner les certificats de nationalité en fonction de ce qu’on le louange ou le blâme. Lui aussi.
Les grands renoncements ont besoin de ce panurgisme ambiant qui fait qu’un but victorieux puisse largement couvrir le fracas de deux balles assassines terrassant deux colonels.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=128783
2 août 2011
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