Khoroto par El-Guellil

                       Hé, oui, c’est normal ! Quand on habite avec « khoroto », il faut s’attendre à tout. C’est pas comme «sbagnoul». Eux au moins ils se payaient une «garçouna» pour faire la cour et les escaliers. Zid beziada mayaouldouche comme des chats.

C’était comme ça qu’elle réveillait le voisinage. Aïcha connaissait cette maison de maître, ou plutôt ce haouch, pour y avoir travaillé comme femme de peine, bien avant l’indépendance. Ses enfants ayant émigré, elle vit seule. Elle est atteinte de rhumatismes, et elle se fait un plaisir de gémir toute la nuit à haute voix.

- Ouine rakoum ya djirane zmane ?, hurle-t-elle, quand les douleurs ne la laissent pas fermer l’oeil. Si, par courtoisie, la voisine frappe à sa porte pour s’enquérir de sa santé :

- Maniche tallaba, ce n’est pas ton problème ! Occupe-toi de ton mari qui rentre chaque soir ivre mort, comme disait José. A moi les murs, le sol m’abandonne… Aïe… Aïe.

Dehors, une voiture s’arrête, la portière s’ouvre et se referme.

- Hum, je parie que c’est la journaliste. Toujours la dernière à arriver. Si c’était ma fille, elle ne me ferait pas avaler qu’elle travaille dans un journal !

Voyant la lumière, la jeune fille demande à travers les persiennes à la vieille femme si elle n’était pas malade.

- Nahamdou Allah, falek fi djalalek. Et si tu pouvais marcher sur la pointe des pieds au lieu de marteler le pavé avec tes talons aiguilles, je ne me porterais que mieux… Si j’étais ta mère, hum… ezziyar !

Le lendemain, comme à l’accoutumée, elle se pointe au seuil de la porte principale. Voyant les éboueurs arriver :

- Belbaraka, mzia, ils ont pensé à vous changer de camion. Le premier était plus sale que les ordures qu’il transportait… Ah, tiens! En plus, ksaoukoum ! Ils vous ont donné de nouvelles tenues de travail… J’espère que vous n’allez pas les vendre cette fois-ci…

Les éboueurs et leur camion s’éloignent, trop affairés. Elle rentre chez elle, pour ressortir avec une bourse en plastique bourrée d’ordures qu’elle dépose juste devant la porte.

Hé oui ! Quand on habite avec khoroto…

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