Edition du Mardi 02 Août 2011
Culture
“J’ai refusé la facilité”
LA CHANTEUSE ET CONTEUSE, TENNA, À LIBERTÉ :
Par : Rachid Hamatou
Tenna (Ibtissem Tigrini) s’inscrit dans une démarche qui paraît risquée, voire dangereuse pour une artiste qui ne cherche ni à plaire, ni à paraître, encore moins apparaître. Elle livre sa conception de l’art et de l’artiste, tout en évoquant son nouvel album, son parcours, sa vie sous d’autres cieux et pleins d’autres choses…
Liberté : Devenir chanteuse était-il un rêve pour vous ?
Tenna : Je n’ai jamais rêvé de chanter ou de devenir chanteuse (rires), par contre je rêvais d’être journaliste ! Pour ce qui est de la chanson, j’ai voulu chanter et j’ai chanté ; c’est venu comme ça. Chez moi, ma mère fredonnait, et durant tout mon cycle scolaire, j’étais sollicitée pour prêter ma voix, même si je ne garde pas un bon souvenir de la fois où on m’avait interdit de chanter en kabyle. J’aimais beaucoup reprendre les grands de la chanson kabyle : Nouara, Chérif Khedam, mais aussi des groupes qu’on appelait modernes : Abranis, Yougerthen, Meksa et bien d’autres. L’apparition du lecteur cassette fut pour moi l’invention du siècle, j’ai pu enfin écouter les meilleurs de la chanson française (Ferrat, Brassens) ou encore Santana ou mieux encore Matoub qui était interdit d’antenne.
À l’université, je suis passée à la vitesse supérieure. J’ai accompagné des chanteurs et des groupes au studio, comme Yougerthen à Azazga chez Mehenna Tigrni, mon actuel époux. Et justement c’est grâce à Mehenna qui, à l’époque m’avait conseillée de ne pas me contenter d’accompagner ou d’imiter, mais de chanter et de produire des chansons à texte, comme je les aimais et de nos jours je ne regrette pas d’avoir choisi ce genre de répertoire.
Vous semblez avoir choisi la difficulté !
ll Pas du tout, je n’ai pas choisi la difficulté comme tu le dis, mais j’avais -excuse-moi le terme- horreur d’entendre des paroles répétées et édulcorées, des idées et des symétriques. Quelque part c’est vrai j’ai refusé la facilité, car je savais que c’était éphémère et sans portée aucune, j’avais des exemples autour de moi et là j’ai choisi, chanter des idées bêtes ou des textes, quitte à ne pas être adulée par les foules. J’ai beaucoup gagné en maturité après mon départ en France, même si la séparation et le déchirement m’ont fait énormément souffrir. Cependant, ma petite famille, mes deux filles et mon mari m’ont apporté le réconfort et l’équilibre nécessaire. Après des études dans le domaine de la science de l’éducation, je me suis consacrée à ma famille et cela fait un an que nous avons décidé de relancer cet opus tant attendu, je reconnais que ça dénote beaucoup de lenteur, mais des fois il faut laisser faire le temps, et laisser mijoter comme dans les anciennes marmites (rires).
Et ça donne quoi ?
Quelque part un travail familial, puisque mon époux à repris du service (arrangement, orchestration, prise de son, directeur artistique…) et nous enregistrons dans notre propre studio. Ça m’a énormément facilité la tâche, tu ne peux pas imaginer le plaisir d’aller directement du salon ou de la cuisine après un bon café direction le studio à quelques pas. Je raconte (car je suis aussi conteuse) en chanson et en chantant. Pour cet album (le premier), que je considère comme album de conviction en attendant le prochain qui sera de composition, je signe une arrivée, la mienne, par un hommage à certains noms de la chanson kabyle (Si Moh, Cherif Khedam, Idhflawen, Ali Amrane) mais aussi hommage à la chanson chaouie, par deux chansons signées par l’auteur interprète Messaoud Nedjahi. Mon rêve (et là je rêve !) c’est de pouvoir chanter dans toutes les variantes amazighes, ça ne doit pas me poser de problèmes, j’ai déjà eu l’expérience du chant targui et du conte en berbère, que je narre parfaitement dans les différents parlers berbères.
Certes je suis Kabyle et je chante en kabyle, mais je sais que fais partie d’un grand peuple amazigh.
Quand aurons-nous le nouvel album ?
Au plus tard fin septembre, si tout se passe bien et comme convenu. Cependant, si les opinions quant à la réussite de l’album sont mitigées, ça ne peut que me rassurer, car c’est l’indifférence et le silence qui m’aurait inquiétée. Nous avons prévu une distribution simultanée, aussi bien en France, qu’en Kabylie.
Je ne peux passer sous silence la disponibilité et l’accessibilité de certains artistes, à qui j’ai emprunté des chansons, je les remercie au passage, sans oublier la prestation généreuse et gracieuse des voix en chœur de mes deux filles Natacha et Ingrid.
2 août 2011
1.Contes