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Complexité Informatique dans la nouvelle vision du monde par Hafid Haffaf

2 août 2011

Contributions


                     1.Nous sommes présentement séduits par les multiples découvertes et la technologie nous donne l’impression qu’on se rapproche de la perfection. Pourtant la certitude de mettre la main dessus nous montre paradoxalement qu’elle est inatteignable.


Averroès affirme que le simple fait que l’on puisse trouver dans les cieux des causes finales qui nous soient bénéfiques est une indication de l’existence d’une intelligence supérieure. De plus en plus précis, les résultats des avancées scientifiques nous laissent sur notre faim: plus nous avançons, et plus la science s’amuse à reculer ses limites en nous attirant vers des horizons inconnus, et la vitesse avec laquelle on s’engouffre dans cette recherche semble proportionnelle à ces découvertes.

Historiquement, la masse de connaissances que nous avons accumulée durant un siècle est treize fois supérieure à celle accumulée pendant toute l’histoire de l’humanité. Cette approche a été démontrée par un mathématicien allemand et porte le nom des indécidables. Ces derniers s’acharnent à exister quel que soit le système ou la théorie dans laquelle on raisonne, il existe toujours une super-théorie qui trainera le problème. En d’autres termes, Il y a plusieurs vérités. Celle absolue et qui nous restera à jamais inaccessible. La seconde, révélée au compte-goutte à travers les siècles est distillée selon notre désir d’aller à sa rencontre, et surtout au prix des efforts que nous consentons y mettre. Elle demeure également fondatrice d’une théorie jusque là cachée, et enfin une vérité temporelle ou relative capable de perdre ce statut si elle est réfutée pas des faits contradictoires ou des théories plus puissantes. Certes l’essence d’une chose ne saute pas aux yeux : ce que celle-ci a d’essentiel lui est aussi intime qu’un secret ; mais le but de l’effort de connaissance est de le dégager. Le principe anthropique, qui dit que le monde est fait pour nous sinon nous ne serions pas là pour le contempler, semble pourtant parfait pour les musulmans afin de montrer cet assujettissement de toute la création à l’homme, appelé à contempler les mystères de «l’intelligent design». L’émergence de créatures comme nous pour s’émerveiller devant la régularité des mouvements célestes et la beauté dans la simplicité et la symétrie du monde est le fondement même de ce principe. Sa version la plus forte, inspirée de la mécanique quantique va au-delà de l’idée que l’homme est le point culminant de la création, elle suggère que le regard de l’observateur (qui risque de modifier la réalité) est indispensable pour l’existence, comme s’il n’y aurait pas de film sans spectateurs. Cependant nous avons tellement sacralisé la théologie que la plupart désapprouve tout paradigme scientifique fondé sur un système évolutionniste. Soutenir comme le fait Gödel, que notre intuition est ce noyau intime qui nous donne accès à la réalité mathématique, c’est reconnaitre notre faiblesse au profit d’une suprême divinité qui nous guide vers cette vérité. Mais alors comment se ferait ce contact entre le monde physique et celui des mathématiques qui permet à notre intuition de le prévoir ? La réponse se trouve dans le développement en Informatique qui est un épisode important dans la vision du monde moderne, plus précisément dans la nouvelle approche de la complexité.

Examinons maintenant les concepts de cette complexité. La profondeur logique est le temps de calcul d’un programme minimal pouvant produire un objet, et si ce programme existe, il mesure ainsi la complexité de cet objet. Un objet est donc d’autant plus complexe que le plan constructeur est égal à lui-même, ainsi une suite aléatoire ou bien celle des décimales du nombre ð sont plus complexes qu’une suite régulière même infinie de 010101 ….. car le programme informatique qui génère cette dernière tient en quelques lignes. Un objet organisé n’est pas si complexe car il contient la trace du processus d’élaboration qui a permis sa création. Pour s’en convaincre, je me propose de transmettre les résultats de relevés météorologiques de ma région ou les résultats du tirage du loto pour les trois derniers mois. Pour la première liste, il suffit de donner quelques relevés, les fonctions trigonométriques se chargeront de déduire le reste des informations aussi compliquées soient-elles, mais pour la deuxième liste (les tirages), à moins de transmettre tous les nombres, je n’ai aucun moyen de compresser ces données car elles sont totalement indépendantes.

Le travail de recherche scientifique est justement l’identification de la complexité organisée là où ne se trouve en apparence que la complexité aléatoire. Il est faux de penser toutefois que le fait d’avoir des ordinateurs plus puissants (même quantiques) résoudra le problème de la complexité. Ainsi en est-il du déchiffrement d’un code en trouvant la fonction qui a pu le générer, ou de la recherche en physique d’une théorie du tout pouvant unifier la mécanique classique et la théorie quantique. Dans l’extrêmement petit, le hasard semble une propriété intrinsèque de la matière faisant dire à certains scientifiques que Dieu joue bel et bien aux dés, et que les probabilités ne sont pas pour simplement exprimer nos lacunes à comprendre le déterminisme Laplacien. Dans son «essai philosophique» de 1814, Laplace disait que «la courbe d’une molécule d’air à la même orbite qu’une planète, il n’y a de différence entre elles que celle qui montre notre ignorance». Pourtant la question ontologique de savoir si les lois de la nature sont déterministes est, elle aussi indécidable, parce que les apparences déterministes peuvent résulter d’une régularité statistique (loi des grands nombres), et qu’inversement, des apparences déterministes peuvent ne trahir que des phénomènes de chaos déterministe. Affirmer que la nature est compréhensible, c’est déclarer la mort de la philosophie. Les chercheurs sont persuadés que la vérité absolue nous est cachée, qu’elle le sera toujours (sinon la recherche s’arrête), que le but ultime est justement d’arriver à des lois simples capables de représenter le fonctionnement du monde. Un étudiant en plein examen en fait l’expérience : si la solution qu’il développe est complexe, alors certainement il doit se douter qu’il fait fausse route. En l’absence donc d’une certitude que tous les faits pertinents ont été recensés, cette éternelle recherche d’une utopie conforte chez nous le désir d’aller de l’avant. Sur le plan social, le bonheur n’est-il pas synonyme de progrès, un riche qui régresse est moins heureux qu’un pauvre qui progresse. Les luttes syndicales acharnées et la combats au féminin pour un avenir meilleur ou même celles armées pour la réappropriation des terres ou de libertés spoliées s’étalent dans la durée. Les révoltes arabes durant ces derniers mois, même dans les monarchies où pourtant le niveau de vie n’est pas si mal, ne sont que la manifestation d’un désir de vie meilleure longtemps étouffé par les pouvoirs en place. La déception et l’échec des mariages s’expliquent souvent par une longue recherche de l’homme (ou de la femme) idéal(e), et fait dire aux concernés qu’on est plus heureux à courir derrière ce tableau idyllique de la perfection que d’y être. C’est pourquoi nos parents disent qu’à leur époque, c’était mieux. Malgré la précarité et la pauvreté dans lesquelles ils vivaient, ils avaient l’espoir que nous n’avons pas de voir venir des jours meilleurs.

Notre degré d’ignorance est peut- être plus vaste que nous le pensons. L’univers entier est constitué de seulement 4% de matière ordinaire, celle que nous connaissons habituellement ; le reste est énergie noire ou matière noire. Il est donc légitime de penser à la simultanéité de plusieurs univers, chacun étant gouverné par ses propres lois, et dont on ne démontrera pourtant pas l’existence. Cette quête d’un idéal jamais atteint, et dont la seule recherche nous procure du bonheur me fait rappeler un dessin animé des années 80 : «Heutchi, l’abeille» qui cherchait continuellement sa reine maman sans jamais la trouver. Chaque épisode rapprochait l’abeille infortunée de son but, et le charme de l’histoire résidait dans le fait que le téléspectateur attendait de savoir ce qui allait se passer le lendemain tout en découvrant chaque jour les aventures passionnées du prince infortuné.

En faisant désormais la différence entre vérifier et trouver, Gödel, dans les années 30 défendit l’idée que les objets mathématiques ne sont pas de simples configurations de l’esprit mais existent indépendamment de nous. Définir un concept ne rime pas toujours avec savoir le calculer ; des nombres étranges impossibles à obtenir (comme le nombre ? de Chaitin, plus compliqué encore que le nombre ð) sont bien définis mais non calculables i.e il n’existe aucun algorithme ou aucune méthode pour les calculer, car ce qui est aussi invraisemblable, c’est que le cerveau humain ne peut utiliser que des méthodes d’inférence programmables. Un exemple simple est celui de l’arrêt d’un programme, il n’existe aucun ordinateur qui puisse à priori décider si oui ou non un programme tiré au hasard s’arrête à moins d’aller au bout de son exécution, c’est-à-dire attendre peut être une éternité. C’est le problème de l’indécidabilité des systèmes formels. C’est grâce d’ailleurs à ces derniers que la controverse sur les fondements de la logique s’est éteinte avec la résolution de tous les paradoxes pendants. Il existe des vérités non démontrables, stipule le théorème de l’incomplétude de Gödel. Ce dernier a mis fin aux travaux du mathématicien Hilbert qui voulait formaliser toutes les démonstrations mathématiques.

Je peux ainsi remplacer l’ancien paradoxe grec «la présente phrase est un mensonge» par l’assertion «Ce que contient la présente phrase est indémontrable». Si cette proposition est démontrable, elle est donc fausse. L’auto-démonstration est indémontrable, d’où la nécessité de faire appel à un observateur extérieur (A méditer pour les gouvernants qui clament souvent leur Auto-satisfecit). Comme contenu et contenant en systémique, l’observateur devient un acteur indissociable de l’expérimentation, et vouloir seulement observer le système risque de modifier ses propriétés, en essayant par exemple de mesurer la température d’une goutte d’eau, on la détruit. N’est-ce pas lorsqu’elles se constituent les yeux de l’autre que les civilisations prospèrent et s’épanouissent ?

A première vue, renoncer à ce qu’un discours mathématique ait une valeur de vérité universelle semble plutôt décourageant. Sur quoi alors se fonder en dehors des mathématiques pour montrer la cohérence d’un système formel ? Ce problème de calcul auquel se ramène en fait tout processus de définition de fonction est universel ; c’est la thèse de Church qui dit que tout ce qui est calculable peut l’être par ordinateur et vice-versa, faisant ainsi une correspondance parfaite entre l’intuition et le formel qui projette un problème sémantique sur une compilation de symboles. On arrive à la conclusion qu’en quelque sorte la découverte des ordinateurs était prévisible, elle devait attendre la maturation de l’esprit scientifique ; aussi l’évolution de notre code génétique devait aboutir à la situation qui conforte le principe anthropique : notre destinée ressemble bel et bien à un programme informatique. Notons au passage qu’entre un objet abstrait et celui effectivement calculé, existe ceux caractérisables (main non encore calculables) et ceux calculables (mais dont il n’existe pas encore de machine pour les calculer). Un objet structuré a cependant plus de chance d’apparaître qu’un objet aléatoire. Si je reprends l’exemple de la suite 01010101…, j’ai plus de chance de voir le 0 après le dernier 1 même si je n’ai aucune information sur cette suite, dans la situation où 0 et 1 sont équiprobables. Comme l’informatique est devenue l’équivalent de l’expérience qui confirme (ou infirme) une théorie, la biologie s’est découverte dans la machine un nouvel assistant pour percer le code secret de la vie, avec les techniques de fouille de données et d’extraction des connaissances, l’intelligence artificielle tente de rassembler le puzzle des interactions entre les gènes. Bien qu’elle (l’informatique n.d.l.r) puisse nous aider à comprendre, elle nous pose en contre partie d’autres défis. Les bits (unité de base en informatique qui peut valoir 0 ou 1) qui forment le nombre ? de Chaitin sont d’une complexité infinie et contredisent le principe de la raison suffisante. Ils sont vrais sans raison. Ce raisonnement peut-il s’appliquer à nous ? De récentes études (en Informatique) sur l’apparition de la vie sur terre à partir des acides aminés dans la formation de l’ADN ont été menées par simulation afin de montrer que la complexité est sous-jacente au vivant. L’idée est de numériser toutes les conditions de laboratoire de la constitution de nouvelles molécules à partir de briques de base.

2.Cependant un indécidable de Godël est seulement relatif, on ne peut pas tirer de son théorème que nous sommes supérieurs à nos propres machines, restons donc modestes. Positivisme, instrumentalisme, nominalisme et formalisme, voilà les noms de doctrines qui tentent de libérer les idées, et c’est avec détermination que l’esprit humain est imprégné de l’existence de certaines vérités qu’il n’arrive pas, à l’heure actuelle à démontrer, et que le futur de l’humanité espérera trouver.

Le dilemme entre le rêve d’Einstein d’une équation déterministe et l’indéterminisme de la mécanique quantique ne pourrait être résolu que par une théorie à venir. Certains insinuent (en s’appuyant sur les résultats en biotechnologie, le code ADN et la différentiation inouïe de milliards d’être humains) que l’Univers tout entier ne serait qu’un super Ordinateur dont nous ne serions que de simples instruments simulés, le tout dans une hallucination collective aux mains d’un «grand programmateur». Descartes (je pense donc je suis) tente de se persuader que le monde n’est pas un rêve. Les plus audacieux disent que la réalité n’est qu’informations, comme quelqu’un qui verrait le monde qu’à travers son ordinateur, il ne doit pas déduire qu’il est «pixélisé». «Le but de la physique n’est pas de découvrir ce qu’est la nature mais ce que l’on peut dire sur elle» disait Niels Bohr. Reconsidérer aujourd’hui les sciences fondamentales comme des vecteurs de l’information à la lumière des avancées en informatique, peut être une épistémologie pure qui concentre le savoir dans une métathéorie sur, non pas le système lui-même, mais sur l’information que nous disposons sur ce dernier.

Le vivant applique, plus qu’il n’invente, la propriété selon laquelle le complexe émerge du simple par auto-organisation. Ceci conforte l’approche évolutionniste dans une dynamique de populations au détriment de celle de l’individu et où la sélection naturelle ne garde que les meilleurs pour se reproduire. Les systèmes multi-agents sont un exemple de cette modélisation comportementale, «La vie n’est qu’une affaire d’organisation et de structure» énonce J.P. Rennard d’où l’idée pour un informaticien de la reproduire sur un support visuel. Les simulations à l’instar de celle des colonies de fourmis, montrent que l’individu, tel que postulé dans la théorie Darwinienne, se sacrifie au profit de l’intérêt général. L’adaptation génétique des futures générations tient compte de l’environnement dans lequel vivent présentement les populations. Stephen Wolfram pense, par exemple qu’une exploration systématique sur ordinateur nous permettra de trouver «le programme simple à la base de l’Univers», et donc qu’en fait, le hasard de la nature n’est qu’un pseudo-hasard, ou un hasard simulé. La science semble vouloir dépasser la fiction; les projets de fusionner l’homme et la machine ne sont plus au stade de laboratoires, les mécanismes tels que la vision artificielle sont là pour témoigner que rien ne peut être un handicap. Néanmoins une modélisation ultime qui met en commun, à travers les réseaux d’échange d’information, les principales disciplines autour de l’informatique reste, pour l’instant un grand chantier. Cette nouvelle Informatique ouvre quelques perspectives intéressantes dans une définition thermodynamique de l’intelligence en donnant un aspect pragmatique à tout objet de raisonnement. Un concept dont on a prouvé l’existence n’est pas plus utile qu’un objet abstrait tant que la preuve de son existence n’est pas constructive, ceci pour dire qu’un concept inutile a peu de chance d’exister statistiquement parlant. Le problème sémantique entre entropie physique et statistique (qui est une mesure du «désordre») est résolu en ajoutant à cette dernière une entropie algorithmique pour retrouver la première, et ce afin de rendre compte de l’effet mesure. Selon W.Zurek, et de façon lapidaire, quand on effectue une mesure on diminue l’ignorance (l’entropie statistique diminue) mais on s’encombre de résultats (l’entropie algorithmique croit), d’où l’idée que l’effacement de l’information a bien un coût thermodynamique incompressible.

Cette lame de fond informationnelle, favorisée par des simulations numériques sur les systèmes dynamiques bouleverse notre vision du monde et même notre raisonnement logique. La modélisation informatique a fait voler en éclats les frontières entre le système réel et celui qui le représente en machine, faisant des mathématiques, de la physique, de la biologie et de l’informatique des sœurs ayant pour origine «la complexité». En vertu de cette réduction computationnelle, tout (ou presque) a son équivalent numérique au point où il n’est pas étonnant d’avoir une image numérisée de l’entropie. Cette «machinisation» de l’homme dans le monde contemporain montre que l’immatériel, dont l’idéologie n’est qu’une lecture obscurantiste, marque cette civilisation technique, et asservit l’homme à ses propres produits technologiques. Le réalisme scientifique est la croyance qu’il existe quelque chose indépendamment de notre observation. Notre soif de valeurs universelles devient notre seule parade contre cette globalisation matérialiste qui envahit notre quotidien, elle doit stimuler nos recherches dans la refonte de notre éducation et l’analyse de nos repères dans la société. C’est la clairvoyance qui donne conscience à l’homme du bienfondé des éléments de connaissances qu’il produit.

Si les mathématiques sont universelles, c’est qu’elles ne dépendent pas de l’individu, les concepts précèdent le but pour lesquels ils auraient été conçus ou seraient appliqués. En physique, ce réalisme est abstrait pour certains qui pensent qu’il y a un réel, mais que ce dernier demeure inaccessible à notre compréhension. Ne pouvant s’affranchir de ce regard extérieur pour nous évaluer, la science peut-elle vraiment donner une description non subjective des phénomènes ? En mathématique le réalisme finitiste se limite aux objets finis (graphes, entiers, ..) où toutes les démonstrations se représentent par des computations de symboles (systèmes formels). Le théorème des quatre (04) couleurs ou la conjoncture de Robbins ont été démontrés par ordinateur grâce à l’exploration d’un nombre «inhumain» de cas à vérifier. Est-ce qu’un programme infini pourrait prouver un théorème ? Est-il admissible pour l’esprit humain de se contenter de ce genre de démonstrations ? Est-ce qu’un mathématicien pourra vérifier (et donc accepter) un théorème de six cent pages produit par ordinateur ? Un exemple de théorème prouvable par ce genre de programme est le suivant : «il existe une infinité de nombres n tels que n et n+2 sont premiers». L’informatique, nouvelle science pratique mais qui pose les fondements du calcul possible repousse les limites de notre connaissance, et fait jouer au hasard un rôle clé au cœur même des mathématiques. En effet, que signifie un théorème vrai à 99 % ?

Ces découvertes stipulent la supériorité des mécanismes de démonstrations formelles, mais il est quand même intéressant de savoir qu’une solution n’existe pas, cela peut nous épargner tous les efforts (de toute nature qu’ils soient) de la rechercher. Cette asymétrie logique qui fait qu’une loi peut être définitivement réfutée mais jamais définitivement acceptée nous pousse parfois à chercher dans la «mauvaise» direction (ou bonne c’est selon). Montrer l’inexistence d’un objet, même au péril d’une frustration n’est pas moins intéressant que de montrer son existence. Les ordinateurs, à l’opposé de l’homme ne sont pourtant pas conscients de la puissance de leurs résultats. Malgré qu’ils arrivent à nous battre dans les échecs, ils ne peuvent savoir d’eux même qu’ils sont non contradictoires, ils nous débarrassent heureusement de notre impuissance à fouiner dans l’infini mathématique quoique cette immensité possède quand même une limite : L’ordre de 10 puissance 10 puissance 98 est l’horizon de tout comptage imaginable même dans le cas privilégié d’une machine de la taille de l’univers.

Apte à appréhender objectivement le réel ne signifie pas pour autant écarter l’analogie entre vocation scientifique et vocation apostolique afin de rentrer en communion avec les savants authentiques. Pour nous musulmans, elle nous incite à repenser l’enseignement de l’histoire et de la philosophie des sciences de manière à contribuer au développement de notre société, de faire prévaloir l’humanisme dans ce monde de «bits» (apostropher à de «brutes»), dans le sens surtout de l’ouverture de l’islam vers la modernité. Nous avons cette prédisposition par le fait de croire en un au-delà qui est la finalité de nos actions, d’agir dans le sens de la recherche du paradis. Je ne vois pas pourquoi être complexé devant une institution qui écarte toute méthodologie en dehors de celle basée sur un examen impartial des faits ? Il n’y a pas de voie royale comme il n’y a pas de honte à affirmer sa personnalité, ce statut inconfortable de la recherche fait qu’elle ne peut être monopolisée.

La théorie de la complexité telle qu’abordée sous le prisme de l’intelligence artificielle, tout en reproduisant les comportements humains par la machine, nous a ouvert la porte vers un nouvel espace de débats sur l’intentionnalité et l’impuissance de la science à tout expliquer, débat qui va durer aussi longtemps que la science n’aura justement pas tout expliqué. Il y a plusieurs programmes qui font la même chose, plusieurs manières de faire de la musique ou de la peinture, alors pourquoi s’imposer une seule rationalité scientifique ? On vient également de voir que nul n’est apte à s’autoproclamer détenteur de la vérité ou s’en porter garant. S’aventurer à montrer l’existence, ou au contraire l’inexistence dans la métaphysique en usant de procédés scientifiques risque d’être confronté au problème de l’indécidabilité, mais à en croire les déclarations de Davis et S.Hawking, la métaphysique serait davantage l’horizon de la science que sa préhistoire. La plupart des scientifiques croyants maintiennent leurs convictions en raison du sens qu’elles donnent à leur vie, et de la finalité que cette dernière nous fait prendre conscience. L’homme à travers la recherche de la servitude volontaire et idéalisée qui le rendrait maître et possesseur de la nature, se serait donné à travers les ordinateurs, les outils et le prolongement de ses activités intellectuelles dont il fabriquerait non seulement une image, mais en serait capable de retracer tout l’historique.

En dehors du fait indéniable qu’elle procure aux chercheurs dans le partage des connaissances à travers Internet les TIC, qu’elle a mis à la disposition de l’analyse des données en particulier, un moyen de calcul et de précision par excellence, l’informatique vient en outre, nous apporter aujourd’hui un appui de taille à la philosophie des sciences. Elle nous aide à comprendre les limites de l’exercice de la pensée et sa projection dans le monde des machines auxquelles elle s’acharne (à ses risques et périls) à déléguer une partie de l’intelligence humaine.

Mais enfin, si notre imagination peut monter de niveau de raisonnement et d’abstraction, si la méthode informatique mise en exergue nous aide à assimiler notre origine, notre évolution et surtout vers quel ultime destin nous aspirons, si les arguments anthropique, cosmologique et ontologique réunis marqueraient pour toujours la science d’un goût d’inachevé, si on est capable de se poser toutes ces questions parce qu’il est écrit que nous sommes nés pour réfléchir, peut être celle de savoir si l’Univers est simple ou complexe nous restera à jamais et délibérément insoluble.

*Professeur en Informatique, Université d’Oran

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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