Edition du Lundi 01 Août 2011
Chronique
Le monologue du ventre
Par : Mustapha Hammouche
Dommage pour ceux qui n’auront pas pu placer une période de vacances en ce mois de juillet. Nous entrons déjà dans un mois d’abstinence, de labeur, de recueillement et de méditation. En théorie.
En théorie seulement, puisque le Ramadhan se résumera à un face-à-face entre une frénésie alimentaire nationale et une explosion des opportunismes spéculateurs, d’un côté, et une atmosphère d’inquisition entretenue par des vigiles religieux mandatés ou autoproclamés. Piété et commerce ont fini par se confondre dans une société enfin soumise à la double loi du bazar et de l’intégrisme. En fait, et en la matière, il n’y a plus de loi, au sens républicain du terme : désormais, même si l’état légifère encore, ce sont les forces nocives qui font la loi. Et, l’État, submergé par la puissance de l’économie religieuse, démissionne solennellement en remettant sa prérogative de régulation aux détenteurs de la légitimité du minbar qu’il charge de réconcilier la rahma et le profit. Désormais, les prix ont accédé au statut de pieuse préoccupation confiée aux imams, eux-mêmes au préalable dûment augmentés !
Les augmentations des imams, des policiers et de toutes les catégories d’utilités politique ou à potentiels subversifs, on les doit, ne l’oublions pas, à ce qu’on a appelé le “Printemps arabe”. C’est à coups de revalorisations salariales et de concessions au bazar que nos dirigeants tentaient de régler la question qui se posait alors de savoir si l’Algérie était ou “n’était pas la Tunisie ou l’Égypte”. L’attention internationale, alors affûtée par le spectacle de massifs soulèvements et de leur répression, suscita tout de même l’annonce de réformes politiques “profondes”. En Algérie, il faudra concéder à la “révolution arabe” qu’elle aura au moins permis de mieux garnir beaucoup de meidas en ce Ramadhan 2011. Ce qui permettra au processus de réformes de se mettre au rythme nonchalant d’un bon mois de carême. La vacance de vie nationale ne date pas, d’ailleurs de Ramadhan. Depuis le début, l’été n’est plus perturbé que par les ennuis organiques de Belkhadem. Des ennuis qui viennent du fait que des notables veuillent inverser les rôles : d’habitude, le pouvoir désigne le futur président et le FLN se met en position de soutien du candidat “choisi pour être élu” ; il semble que, pour 2014, le FLN s’est mis en tête qu’il pourrait choisir ce candidat ! Comme quoi, malgré l’immuable immobilité du système, il se trouve toujours y compris, en son sein, de naïfs optimistes qui croient en de providentielles évolutions. Et quand Djaballah crée — encore — un parti qu’on va — encore — lui subtiliser, il fait l’évènement. Pas pour longtemps. Pour un mois, il sera question de se repaître au moindre coût. Ce monologue du ventre couvrira à peine le son de la guerre conjuguée entre miséricorde et profit, entre intolérance et liberté. Si le dessein de ces sourds combats est douteux, leur issue ne fait plus de doute.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
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1 août 2011
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