Le Carrefour D’algérie
Samedi 30 Juillet 2011
Soug ennsa
Par Yasmine B.
A contre-jour
Quand Sartre disait: «l’enfer c’est les autres », on a presque envie de croire qu’il était là durant le mois de Ramadhan.
Car plus dur que l’abstinence, plus dur que les dépenses, plus insupportable que la soif, le plus pénible durant ce mois sacré n’est certainement pas de supporter la chaleur de l’été, mais surtout l’humeur exécrable et la folie diurne des jeûneurs. Si les Algériens sont majoritairement rudes et agressifs, la plupart du temps, ils se transforment en véritables cocotes-minute durant ce mois. Gare à celui qui retire le couvercle avant de passer à table, et même que parfois, on n’a pas besoin d’approcher du feu, il suffit d’être une femme en plein jour. L’éternel souffre-douleur des hommes, et quelques fois même d’autres femmes. C’est à se demander comment font-elles pour tenir jusqu’à l’Aïd ? Un mois de dur labeur, du lit aux fourneaux, une journée entière à préparer un repas de famille qui ne durera même pas une heure, et qui ne soulèvera pas un compliment, encore moins une assiette, pour ensuite passer la moitié de sa soirée à nettoyer la cuisine, laver la vaisselle et ranger la maison pour que tout redevienne normal après le marathon contre le soleil, puis aller se coucher en pensant au prochain menu, et tout recommencer le lendemain. Et dès qu’elles sont bien rodées les trois premières semaines, elles se lancent dans la préparation de gâteaux pour l’Aïd. Certaines trouvent même le courage de travailler et de faire les courses, on les rencontre au marché, dans un état de semi conscience, comme des zombies préoccupés, méconnaissables par tant de fatigue et si peu de coquetterie, interdite pendant le mois sacré, au risque d’ajouter des insultes à leurs pénibles journées. Car avec tout cela, ce sont les hommes qu’il faut ménager pendant Ramadhan, ce sont les hommes qui se plaignent, ces hommes qui rentrent dare-dare après le boulot, à moitié aveuglés par le sevrage, comme des boules de nerf ambulantes, boycottant la cuisine où les femmes s’épuisent la santé, pour aller directement faire la sieste, jusqu’à l’appel du muezzin. Et avec tout cela, ce sont les hommes qui sont fatigués, de mauvaise humeur et qui revendiquent leur droit au jeûne dès qu’ils voient une femme dehors, enfin, une femme qui ne correspond pas aux nouvelles strictes consignes mises à jour quotidiennement par des illuminés en mal de repères. Pour les femmes qui se contentent de survivre, sans question et sans histoire, l’enfer, elles en ont un petit aperçu durant ce mois, ce sont les hommes!
30 juillet 2011
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