Le Carrefour D’algérie
Point de vue
Par Ahmed Meskine
En Somalie, c’est trop tard
Il suffit de voir ce qui se passe en Somalie, pour comprendre ce qui arrivera aux sociétés qui tardent à s’inscrire dans un processus de développement humain, prises aux pièges de leurs acceptations d’une gouvernance qui relève de la commune primitive.
La Somalie a faim et son peuple divisé, diront les analystes. La Somalie a faim parce que son peuple est divisé, diront d’autres analystes. Comment en effet un pays peut-il continuer à faire vivre sa population, à la développer en maintenant vivantes de vieilles rivalités où tribalisme et divergences religieuses occupent l’essentiel des conflits? Des conflits qui ressurgissent au moindre désaccord et qui se traduisent en guerres fratricides, en déplacements de population fuyant la misère et la soif avec pour principales victimes des femmes et des enfants, les êtres les plus faibles de la société. La faute ne peut être rejetée que sur les gouvernants aveuglés par leur toute puissance, pourris par la corruption et incapables d’accepter une alternance au pouvoir digne des sociétés modernes. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe en Libye, seul pays arabe pouvant absorber une main-d’œuvre importante en provenance de tous les pays en pleine crise mondiale et riche d’un pétrole instrumentalisé à des fins exclusivement politiques d’une fausse grandeur. Les Libyens réussiront sans doute à s’en sortir avec des blessures qui nécessiteront une longue période pour se refermer, mais le prix payé aurait pu être évité, si la folie du « guide » et de son entourage avait été diagnostiquée à temps. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe au Yémen au terme d’un mandat présidentiel qui aura duré plus que ne dure une génération et qui se retrouve dans l’antichambre de la misère la plus abjecte malgré la révolte. Comment la Syrie, berceau de la civilisation arabe et d’une langue qui a prouvé ses capacités de développement et de rayonnement sur le monde, a-t-elle pu être réduite à une épicerie familiale où se vend et s’achète la dignité humaine au point de ne pouvoir exprimer, serait-ce, que le moindre avis ? La question des pouvoirs et de leurs fonctionnements dans les pays arabes se pose aujourd’hui dans la rue et dans la douleur qu’a engendrée un ras-le-bol, au point de voir tomber des jeunes qui ont les couleurs du printemps, sous les balles de ces armées nationales censées les protéger. Que va-t-il donc arriver à nos sociétés si rien n’est fait pour changer la façon de gouverner et celle de se faire gouverner, alors que nos élites se font absorber chaque jour un peu plus par une mondialisation qui arrive jusqu’en nos plats les plus traditionnels ? En Somalie où même la réconciliation nationale a échoué, ne pouvant plus résister aux nombreuses divisions, le bout de pain est devenu une richesse offrant ainsi l’exemple d’un peuple qui n’a pas compris ou alors une fois qu’il était trop tard.
28 juillet 2011
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