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Les réformes politiques en Algérie : le diable est dans le détail

27 juillet 2011

Contributions


Chronique du jour : DECODAGES
Les réformes politiques en Algérie : le diable est dans le détail

Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr

L’unanimité (ou presque) est aujourd’hui établie : la maison Algérie fonctionne mal, l’économie est encore largement en deçà de son formidable potentiel, la société politique fonctionne au ralenti pour ne pas dire ne fonctionne pas du tout, la relation gouvernants-gouvernés est en rupture totale de confiance et faite de suspicion… C’est aujourd’hui un lieu commun de répéter cela. Pourtant, une petite éclaircie : on nous annonce des réformes politiques.


Eh bien oui : des réformes politiques et profondes nous dit-on ! Le prélude de ces réformes (peu probant, faut-il l’admettre) a été la commission Bensalah et ses séances d’écoute. Les Algériens se posent une question et une seule : faut-il y croire ? L’interrogation est loin d’être saugrenue tant les couleuvres avalées par les Algériens à ce jour ont été grosses et nombreuses. Mais mettons cette lourde question de côté et évitons de jouer aux cassandres. Contentons-nous pour l’instant d’évaluer la démarche que compte mettre en œuvre l’initiateur du programme, c’est-à-dire le président de la République.
Des réformes selon quelles séquences ?
On sait que les processus de mutation systémique que mettent en œuvre les pouvoirs en place, notamment dans les pays du Sud, reposent principalement sur des réformes politiques et des réformes économiques. Le débat sur l’agencement des deux programmes de réformes, de leur séquentiel est assez connu : faut-il commencer par les réformes politiques puis aller aux réformes économiques ou bien l’inverse ? Deux thèses se sont toujours affrontées. La première défend l’idée du primat des réformes économiques. Dans nos pays, il faudrait commencer par engager des réformes économiques qui, en brisant les monopoles, en faisant la chasse aux positions de rente, en soutenant la liberté d’entreprendre et de commercer vont imposer une redistribution des pouvoirs et donc entraîner dans leur sillage des réformes politiques devenues alors inéluctables. Dans le cas de notre pays, avec les réformateurs du FLN et leur programme de transition de 1988-1989, nous avons déjà expérimenté cette thèse qui consiste à accorder le primat à la transformation du système économique dans le processus de transition démocratique. On avait bien adopté une nouvelle Constitution qui amorçait une ouverture politique mais on affirmait déjà à l’époque qu’il fallait réformer graduellement le système politique, de l’intérieur, par touches successives et le pousser à une transformation profonde et peut-être même radicale en commençant par de vraies réformes économiques qui mettent fin au système économique étatique, centralement administrée, pour installer à sa place, un système d’économie de marché avec «liberté d’entreprendre et de commercer» et «autonomie de l’entreprise publique avec possibilité d’ouverture de son capital», préparant ainsi le chemin à un vrai programme de privatisation. L’ouverture de l’économie et sa libéralisation progressive devaient, selon leurs promoteurs, conduire irrémédiablement à l’ouverture politique et au changement du système de gouvernance. Cette démarche n’a malheureusement pas pu avoir raison de la «digue» que constituait le système politique en place qui, au lieu d’être poussé à la transformation par les réformes économiques, les a au contraire fait rapidement échouer et a engagé la confrontation directe, violente, sanglante avec ceux qui voulaient le remettre en cause, éliminant aussi au passage les tenants des réformes économiques qui visaient à mettre fin à l’étatisme et à l’économie de rente. Les revendications de rupture politique avec «les pratiques du passé» et pour un véritable processus de transition démocratique que les Algériens dans leur grande majorité soutenaient et appelaient de leurs vœux ont malheureusement été le fait de forces rétrogrades et sanguinaires qui ont plus pénalisé dramatiquement la population et entraîné le pays dans la tragédie que nous connaissons tous et dont les stigmates sont encore bien vivaces. C’en était fini et du changement du système politique et des réformes économiques elles-mêmes. La priorité allait dès lors au rétablissement de «la sécurité » et au «fonctionnement normal des institutions et des administrations publiques». Nouvelles priorités difficilement contestables par ailleurs tant les dégâts humains et les destructions matérielles étaient considérables. La seconde thèse défendue dans le cadre du phasing des réformes (économiques d’abord puis politiques ensuite ?) était celle qui préconisait de commencer le processus de mutation systémique par les réformes politiques. On ne peut réussir aucune réforme économique, aucune transformation du système économique rentier si on ne réforme pas d’abord le système politique car c’est bien le système politique en place qui, par ses positions de privilèges octroyés, ses innombrables réseaux, va empêcher toute transformation du mode de production et de distribution des richesses et donc toute réforme économique. Dès lors, tant que le système politique fait de rapine, de clientélisme, de prébendes n’est pas radicalement remis en cause, tant que la démocratie, la délibération, l’Etat de droit sont absents, il ne peut y avoir de développement économique et toute réforme du système économique qui vise à le rendre performant est vouée à l’échec. Notre propre expérience nous l’apprend tous les jours : combien de tentatives de transformation du système économique se sont-elles brisées sur le mur du système politique monopoliste, fermé et autoritaire ? Nos gouvernants ont-il enfin vraiment compris cela aujourd’hui ? Veut-on vraiment remettre à l’ordre du jour, 20 ans après, la nécessité de réformes profondes et en premier lieu dans le domaine politique ? Un contexte régional marqué par le printemps arabe avec ses révolutions tunisienne et égyptienne, ses révoltes populaires dramatiques libyenne, yéménite et syrienne, ses réformes politiques marocaines, a certainement contribué à décider le président de la république algérienne à annoncer la réexamen de la démarche qui a prévalu jusque-là et à promettre d’engager de «vastes réformes politiques» devant oxygéner le système, l’aérer, l’ouvrir et si l’on s’en tient au discours officiel, le démocratiser. Allons-nous démentir enfin l’adage selon lequel «les prouesses n’engagent que ceux qui les écoutent» ? En tout cas, et jusqu’à maintenant, l’annonce du président n’a entraîné aucun enthousiasme tant les Algériens sont pris par le doute et la suspicion. Au mieux entendons- nous le fameux «wait and see». Mais si le pouvoir a l’intention de faire «comme si…», les Algériens feront aussi «comme si…», et c’est le dialogue de sourds qui continuera !
Quelles sont les réformes politiques annoncées ?
Bouteflika a annoncé la révision des lois qui organisent le fonctionnement du système politique algérien, la loi électorale, la loi sur les partis politiques, le code de l’information, la loi sur les associations et enfin une loi qui organise l’obligation faite aux partis politiques de laisser un niveau de participation aux femmes, et la vie politique (un système de quota sur les listes électorales) de tout cet édifice juridique, on comprend aisément que c’est la loi électorale qui est déterminante puisqu’elle va définir le système par lequel les urnes répartiront le pouvoir entre les candidats aux différentes élections législatives, de wilaya, communales. Le paysage politique étant connu, quelle sera la loi électorale la plus adéquate ou disons au moins la moins préjudiciable à une avancée de la démocratie ? L’enjeu, on le voit, est considérable et le dialogue, la concertation sur cette loi sont primordiaux. Va-t-on organiser cette concertation ou bien allons-nous en faire fi et décider administrativement ? Quand et comment organiser la concertation ? Comment adopter les nouvelles lois ? On ne peut raisonnablement pas s’en remettre à l’actuel Parlement sous dominante FLN-RND qui, on s’en doute, feront tout pour ne rien lâcher de leurs privilèges actuels et au sein duquel l’opposition est absente. Or c’est précisément cette opposition qui, à défaut de pouvoir faire rejeter les projets de loi, pourra au moins jouer à la mouche du coche et faire infléchir dans un sens moins sectaire et plus ouvert ces projets de loi. Le président de la République a, ici, un rôle éminent à jouer pour emmener cette opposition autour de la table du dialogue. L’exercice est tout à fait faisable puisqu’il a pu avoir lieu dans les années 90 durant la tragédie nationale.
La loi sur les associations
Il est clair que dans les démocraties avancées, la société civile est une composante essentielle du régime démocratique. Civisme, citoyenneté, lien social et solidarité sont promus et développés par le mouvement associatif. Des réformes politiques réussies sont des réformes qui convergent pour la construction de la démocratie de plain-pied, le mouvement associatif organisé chez nous, les derniers états généraux de la société civile tenu au mois de juin ont révélé le formidable potentiel du mouvement associatif national qui a l’Algérie chevillé au corps. La nouvelle loi sur les associations ne peut pas, ne doit pas, passer en pertes et profits les très intéressantes propositions et recommandations faites par les 1100 participants à ces assises.
Le code de l’information
C’est là une autre loi d’une importance capitale pour l’information, l’investigation, la restitution des événements majeurs que vit notre société. Un contrepouvoir dont ne peut se passer aucun pouvoir en place qui veut une bonne gouvernance pour sa société. Un lien vital entre l’administration et les administrés, entre les policymakers et les citoyens. Ce code de l’information ne peut en aucun cas être élaboré en dehors des «gens de la profession» car ici, plus qu’ailleurs, on ne peut gérer par injonctions et pour qui connaît le monde algérien des médias…
La loi sur les partis Un paysage politique quasiment monolithique, des partis d’opposition qui n’ont jamais pu jouer leur rôle tant les obstacles sont nombreux, une foultitude de «faux partis politiques» à qui on sonne le tocsin au gré des événements, des volontés de participation à la vie politique nationale par des élites qu’on empêche de s’organiser en partis politiques… Même si toute cette situation pouvait se justifier en contexte sécuritaire très tendu et en état de fragilité des institutions. Cela n’est plus le cas aujourd’hui et la nouvelle loi sur les partis doit aussi bien évidemment faire l’objet de concertation et d’échanges.
La Constitution
Vous aurez remarqué que nous n’avons pas évoqué jusque-là la loi fondamentale. Celle de 1995 est tout à fait apte à encadrer la transition démocratique dans laquelle on doit engager le pays. Quelques amendements suffiront à la toiletter et le débat dans lequel on veut nous engager sur régime parlementaire ou régime présidentiel ou encore l’invention d’un régime «semi-présidentiel », débats peut-être mis en avant pour camoufler les vraies questions à mettre sur la table.
A. B.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/07/27/article.php?sid=120623&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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