CE MONDE QUI BOUGE
Eva Joly victime des relents xénophobes
Par Hassane Zerrouky
Ça devait arriver. Il a suffi qu’Eva Joly, candidate à l’élection présidentielle française de 2012 et d’origine norvégienne, déclare vouloir remplacer le défilé militaire du 14 juillet par un défilé citoyen pour que le Premier ministre français François Fillon en personne lui rappelle ses origines non françaises. «Cette dame n’a pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de l’histoire française», a-t-il alors estimé !
«Il est temps pour elle de retourner en Norvège», a renchéri le député UMP de Haute Savoie Lionel Tardy ! Mais si on suit leur raisonnement, les remarques de ces messieurs devraient s’appliquer à leurs épouses. Celle de François Fillon est franco-britannique, Carla Bruni franco- italienne, par mariage, précisons-le. Et son mari, Nicolas, n’est pas à proprement parler un «Français de souche» mais d’origine hongroise… Cela dit, dans d’autres circonstances, la proposition d’Eva Joly n’aurait suscité aucune réaction, ou à la limite elle aurait peut-être prêté à sourire, voire provoqué des critiques de forme. Mais dans une France où le parti au pouvoir, l’UMP, qui ne fait rien sans l’aval de Nicolas Sarkozy, toujours à l’écoute de son conseiller politique, Patrick Buisson, ancien directeur-éditorialiste du journal raciste Minute, a décidé de placer au cœur du débat politique la question de la bi-nationalité, celle de l’Islam, de l’immigration, escomptant «récolter» quelques voix à l’extrême droite de Marine Le Pen, tout est bon pour caresser le raciste moyen dans le sens du poil. Désormais décomplexée, toute une partie de la droite au pouvoir en France ne va pas s’arrêter en si bon chemin : certains de ses élus, comme le député de Paris et président de l’Association d’amitié France-Israël, Claude Goasguen, ne proposent rien de moins que la suppression de la bi-nationalité, visant expressément les personnes d’origine maghrébine et africaine. Certes, la proposition a été rejetée, provoquant la démission temporaire de Lionnel Luca, député des Alpes Maritimes, dont le père, né en Roumanie, ancien légionnaire, a été naturalisé français en… 1958 ! Mais, ce refus de la direction de l’UMP de supprimer la double nationalité pour une catégorie de personnes de parents non européens s’explique par le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. De nombreux Français de confession juive possédant la double nationalité française et israélienne se verraient automatiquement concernés. Qui plus est, nombreux sont ces juifs français – à l’instar d’Arno Klarsfeld – qui effectuent leur service militaire en Israël sans que cela indispose les autorités françaises. Quand on sait le tollé provoqué en France par ces footballeurs maghrébins et africains qui ont choisi de jouer dans les équipes nationales des pays de leurs parents, ça laisse rêveur ! Poursuivons : ces discours officiels, sur cette immigration qui serait source d’insécurité et dont le poids du nombre grèverait le budget de la France comme si les immigrés ne cotisaient pas à la Sécurité sociale, sur «les racines judéo-chrétiennes» de la France et, partant, sur «l’identité nationale», reprenant les thèmes d’un Front national qui n’en demandait pas tant, risquent à la longue de banaliser le racisme, pourtant puni par la loi. Ils encouragent déjà des Eric Zemmour et autres amuseurs médiocres de la télé réalité à proférer des insanités xénophobes, voire racistes en direct sur la télévision ! Rappelés à l’ordre, ils ont invoqué le droit à la liberté d’expression ! Ben voyons ! En résumé, dans la France sarkoziste, un vrai Français enfant de parents non européens, est celui qui marque des buts pour l’équipe de France — hormis le sport, il a peu de chance d’exister —et qui ferme sa gueule !
H. Z.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/07/21/article.php?sid=120352&cid=8
21 juillet 2011
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