02.Une bouteille au désert (2e partie)

Histoires vraies
Une bouteille au désert (2e partie)

Résumé de la 1re partie : Quand elle reprend conscience, la jeune fille réalise que son agresseur à la voiture bleue a disparu…

«Qu’est-ce qu’il y a, Jim ?
— Je ne sais pas… Regarde… »
Liz aperçoit, à 200 mètres, ce qui lui paraît être une femme en bikini. Puis elle comprend que la femme est nue, qu’elle est couverte de sang, et qu’elle n’a plus de mains.
— Jim, qui n’en croyait pas ses yeux, freine brutalement alors qu’il vient de dépasser la malheureuse. En marche arrière, il recule dans un ronflement strident.
La jeune femme, les bras pendants, se tient immobile le front appuyé contre le grillage. Elle le regarde descendre de la Buick blanche. Brune avec des yeux noisette, elle est toute jeune, peut-être seize ans. Elle ne pleure pas, mais lorsqu’il s’approche il entend un râle s’échapper de sa bouche entrouverte.
«Qu’est-ce qui vous est arrivé ?»
Elle répond très vite :
«il m’a violée.»
Manifestement, c’est tout ce qu’elle peut dire.
Vingt minutes plus tard, une ambulance s’arrête au motel de Pignon Valley. Jim Gooder et sa femme ont fait vite : cinq minutes pour trouver une ouverture dans le grillage, s’y engouffrer avec la Buick, rouler de l’autre côté, et allonger la jeune fille sur la banquette arrière avec toutes les précautions possibles.
Cinq minutes pour rouler, tombeau ouvert, jusqu’au motel de Pignon Valley et appeler une ambulance. Dix minutes pour que celle-ci arrive. Ce minutage est extrêmement important pour la suite.
Tandis que les brancardiers installent la mal-heureuse dans l’ambulance, le jeune toubib qui les accompagne murmure :
«Elle revient de loin.»
Jim Gooder, décomposé, grogne pour la dixième fois :
«C’est horrible ! Pauvre gosse… C’est horrible… Il faut retrouver ce type !»
Sa femme remarque :
«Elle n’a pas l’air de comprendre qu’elle n’a plus de mains…
— Oui, explique le toubib, c’est l’état de choc. C’est un miracle qu’elle n’ait pas perdu tout son sang.
— J’appelle la police, dit Jim Gooder. Il faut retrouver ce monstre…
— Attendez…»
Le médecin l’arrête d’un geste :
«Appeler la police, d’accord. Mais il y a plus urgent. Il faudrait essayer de retrouver ses bras…»
Jim a un sursaut d’incompréhension, et le médecin insiste :
« Oui. Si ça se trouve, la blessure n’a pas plus d’une heure ou deux. Si on retrouvait ses bras…»
Jim Gooder court déjà vers sa voiture :
«J’y vais, j’y vais…»
Et il crie à sa femme :
«Toi, tu appelles la police.»
Deux voitures démarrent en même temps en sens inverse : l’ambulance qui emmène la jeune fille à l’hôpital et la Buick blanche de Jim Gooder qui part à la recherche des bras de la jeune fille.
Lorsqu’il retrouve l’ouverture dans le grillage, Jim Gooder traverse froidement l’autoroute en laissant son pot d’échappement sur le terre-plein qui sépare les deux voies. Puis il s’y engouffre et roule dans un nuage de poussière et de sable jusqu’à l’endroit où il a chargé la malheureuse. (A suivre…)

Pierre Bellemare