Le Carrefour D’algérie
Samedi 16 Juillet 2011
Soug ennsa
Par Yasmine Benbekhti
La balade des gens «malheureux»
C’est l’été, il fait beau, le soleil est au rendez-vous et nous invite à quitter la fraîcheur du béton pour sortir respirer l’air des vacances…
Sortir, mais pour aller où? Les plages sont blindées de monde et les piscines, rares et faute de moyens pour beaucoup, inaccessibles. Se balader dans la rue devient un calvaire, il faut affronter le regard persistant de l’autre et ignorer les paroles des «dragueurs» chroniques… Les manifestations culturelles sont tellement sporadiques chez nous qu’à la moindre occasion, c’est le pays tout entier qui y accourt, cela devrait pourtant encourager les organisateurs ! Le cinéma? Le Théâtre? اa arrive, si on désire revoir «l’inspecteur Tahar» pour la énième fois, et censuré, car maintenant «on sait». Alors où vont les Algériens moyens quand ils sortent? Au square aux jets d’eau prendre des glaces? En couple, ils vont au salon de thé ou au restaurant pour consommer quelque chose. En famille, ils se rendent visite mutuellement, d’une maison à l’autre, histoire de se mettre à jour en termes de ragots, la balade est peut-être dans le trajet. En solitaire, ils vont faire des courses, oui, faire le marché est devenu notre loisir. C’est, en tout cas, la sortie de beaucoup de femmes. La nécessité de se procurer le produit manquant constitue un prétexte pour soi, et un alibi pour autrui. Nous sommes devenus des consommateurs atteints de la maladie de la fièvre acheteuse. Nous achetons tout ce qui se vend et se consomme. Nous achetons pour avoir l’illusion de vivre, nous achetons pour nous faire valoir, nous consoler. Nous créons le besoin quotidien d’acheter pour avoir un prétexte de sortie. Pour rythmer nos journées. Pour se fatiguer autrement qu’en travaillant, pour nous donner l’illusion de cette plénitude qu’on retrouve le soir en se couchant, après une journée bien remplie. Nous achetons tout ce que nous pouvons à nos enfants aussi, plus qu’on ne pourrait se permettre pour nous-mêmes, pour compenser cette privation au droit de voyager. Le privilège de voir ce qui se passe ailleurs dans le monde autrement qu’en s’abrutissant la télévision. D’autres vous diront que ce n’est qu’une question d’organisation, que nous pouvons toujours meubler un quotidien, mais que voulez-vous organiser dans le néant? On fait pitié, mais on fait avec. Car les seuls qui peuvent et doivent faire quelque chose, n’ont malheureusement pas les mêmes problèmes que nous!
N°2996 – SAMEDI 16 JUILLET 2011 – 10 DA – www.lecarrefour-algerie.com
16 juillet 2011
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