L’algérianité,
par Mode D’emploi
Moncef Wafi Discussion sérieuse entendue dans un café au fin fond de l’Algérie profonde : le monde se divise en deux : l’humanité et l’algérianité.
En un peu plus de cinquante ans, l’algérianité est devenue un concept original, une marque déposée dont l’existence est revendiquée par ses propres théoriciens. Portée à bras-le-corps, levée en étendard, criée sous le ciel national, chuchotée dans les aéroports étrangers, l’algérianité est devenue, à force, un label, une marque de fabrique. Donc, pour les Algériens, il y a eux et les autres, l’humanité, le reste du monde, les différentes races et religions, les langues et dialectes. Une race à part avec ses propres coutumes, sa langue, ses origines spoliées par l’écriture officielle de l’histoire, ses héros méconnus et ses martyrs pris en otage. L’algérianité se définit comme une fatalité à vivre en absence de choix. Difficile à fuir, elle est impossible à cacher, se manifestant même en plein cœur de Washington. Constituée d’une boule de nerfs à fleur de peau, d’un tempérament moyenâgeux et d’une aptitude à semer le chaos, elle fait le peuple algérien. Un peuple nourri de contradictions, de malentendus internes, d’une haine pour ses enfants et affublé, par de faux prophètes, de frontons aussi pompeux que fabulateurs. Un peuple qui ne connait pas son passé, plus par omission volontaire que par ignorance, reste un peuple sans repères, incapable de baliser son demain alors qu’aujourd’hui est une journée dans le noir. Un peuple d’assistés forcés par la loi publique qui regarde le monde tourner derrière de doubles frontières intérieures et extérieures. Un peuple qui tourne le dos à son histoire est condamné à errer entre les pages usées d’un livret constitutionnel.
Evoquer, aujourd’hui, l’algérianité d’un peuple c’est vouloir réécrire l’histoire en plus sombre, passer au couteau plus de 800 âmes en une nuit, violer la femme et écraser le bébé au mur, la tête en avant. Parler de l’algérianité, c’est dire les horreurs d’un peuple qui s’est fâché avec ses entrailles, qui s’est éventré en cherchant à se pendre avec ses intestins. L’algérianité, c’est un peuple qui ne travaille pas la terre, qui tend la main aux subventions et qui vole sa propre poche. C’est un peuple qui a honte de son ombre qui, une fois ailleurs, crache sur ses frères en les reniant, la durée d’un visa. Dire que l’Algérien est spécial équivaut à une insulte à la face du monde et se croire supérieur aux autres est un parjure difficilement expiable. Le monde se divise en deux : ceux qui vivent et nous.
Le Quotidien d’Oran
Samedi 16 juillet 2011
16 juillet 2011
Contributions