Histoires vraies
L’assassin des petites filles (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie : André, le fils de Kobler, en prenant connaissance du dossier dira : « Ce n’est pas à mon père de pouver son innocence, mais à la justice de prouver sa culpabilité»
Deux semaines après l’arrestation de Gustave Kobler, l’inspecteur Drews chargé de l’enquête est reçu par le juge d’instruction. Avec lui, André, le fils du suspect, et l’avocat. Dans les derniers jours, l’enquête a été rondement menée, ce qui permet à l’inspecteur de déclarer en pesant ses mots :
«Je ne considère plus Gustave Kobler comme l’assassin. Au moment où Gilda a été tuée, Kobler se trouvait au port du canal pour aider un ami. Lorsque Angèle est morte, Kobler a été vu par deux témoins, ramassant des champignons dans le bois à deux kilomètres de là. Certes, Kobler n’a pas d’alibi pour l’assassinat de Heidi, mais, s’il avoue l’avoir vue cueillir des myrtilles quelques instants avant le drame, il affirme l’avoir quittée pour retourner chez lui aussitôt. On ne peut tout de même pas accuser un homme simplement parce qu’il n’a pas d’alibi…»
Le juge d’instruction caresse comme d’habitude son crâne rasé comme une boule de billard :
«Cela signifierait un autre coupable ? Un assassin ? Parmi nous ? Quelque part dans cette ville ?»
L’avocat aux grosses lunettes d’écaille se fait pressant :
«Oui. En attendant, vous devez relâcher mon client, monsieur le juge. Rien ne justifie plus sa détention.»
Le lendemain, sa femme et son fils viennent chercher le vieux Kobler à la porte de la prison pour le ramener à la maison. Le fils organise le soir une petite fête et repart trois jours plus tard pour l’Australie. Il croit que tout est en ordre. Il a fait son devoir.
Hélas ! si l’ordre règne sur le plan judiciaire, il n’en est pas de même dans les esprits. Trois mois plus tard, André reçoit de sa mère une lettre très claire mais écrite d’une main tremblante :
Mon cher fils… Hier, nous avons enterré ton père. Il n’y avait que moi auprès de sa tombe. Pour toi, il vaut mieux que tu restes toujours à Sydney. Ici, personne ne croit en l’innocence de ton père. Les gens de la ville lui en ont fait trop voir. On l’avait changé d’usine, mais dans la nouvelle personne ne voulait avoir affaire à lui. Il est vrai qu’on n’a toujours pas trouvé l’infanticide et que les recherches continuent. Finalement, ton père a été congédié il y a trois semaines. Ce qui le navrait le plus, c’étaient les injures des enfants, alors qu’il les avait toujours aimés, comme tu le sais. C’est la faute à leurs parents. Nos voisins n’avaient pas encore échangé une seule parole avec nous depuis qu’il était sorti de prison. Tu comprends, c’est qu’il a été relâché faute de preuves et non pour avoir prouvé son innocence. Lorsqu’on a retrouvé au bois ton père qui s’était pendu, il tenait dans sa main une feuille où il avait écrit : «Je suis innocent.» Ne t’inquiète pas pour moi, je prendrai le dessus. Pense à ton avenir, il n’y a plus que cela qui compte. Ta mère.
Six mois plus tard, la presse locale annonce à ses lecteurs, assez discrètement d’ailleurs : «L’infanticide est enfin pris. Il a fait des aveux complets. Beaucoup d’entre vous le connaissaient. Il s’agit du jardinier aliéné Richard Kulier, âgé de trente-quatre ans.»
Une bonne nouvelle.
Pierre Bellemare
8 juillet 2011
Histoire