Au coin de la cheminée
Histoire de celui qui s’en alla apprendre la peur (4e partie)
Résumé de la 3e partie : Le jeune homme ne cesse de harceler l’aubergiste pour qu’il lui dévoile cette chose qui lui ferait certainement peur…
Non loin de là, se trouvait un château maudit, dans lequel il pourrait certainement apprendre ce que c’était que d’avoir peur, en y passant seulement trois nuits.
Le roi avait promis sa fille en mariage à qui tenterait l’expérience et cette fille était la plus belle qu’on eût jamais vue sous le soleil. Il y avait aussi au château de grands trésors gardés par de mauvais génies dont la libération pourrait rendre un pauvre très riche. Bien des gens étaient déjà entrés au château, mais personne n’en était jamais ressorti. Le lendemain, le jeune homme se rendit auprès du roi :
— Si vous le permettez, je voudrais bien passer trois nuits dans le château.
Le roi l’examina, et comme il lui plaisait, il répondit :
— Tu peux me demander trois choses. Mais aucune d’elles ne saurait être animée et tu pourras les emporter avec toi au château.
Le garçon lui dit alors :
— Eh bien ! je vous demande du feu, un tour et un banc de ciseleur avec un couteau.
Le jour même, le roi fit porter tout cela au château. A la tombée de la nuit, le jeune homme s’y rendit, alluma un grand feu dans une chambre, installa le tabouret avec le couteau tout à côté et s’assit sur le tour.
— Ah ! si seulement je pouvais frissonner ! dit-il. Mais ce n’est pas encore ici que je saurai ce que c’est.
Vers minuit, il entreprit de ranimer son feu. Et comme il soufflait dessus, une voix retentit tout à coup dans un coin de la chambre :
— Hou, miaou, comme nous avons froid !
— Bande de fous ! s’écria-t-il. Pourquoi hurlez-vous comme ça ? Si vous avez froid, venez ici, asseyez-vous près du feu et réchauffez-vous !
A peine eut-il prononcé ces paroles que deux gros chats noirs, d’un bond formidable, sautèrent vers lui et s’installèrent de part et d’autre du garçon en le regardant d’un air sauvage avec leurs yeux de braise. Quelque temps après, s’étant réchauffés, ils dirent :
— Si nous jouions aux cartes, camarade ?
— Pourquoi pas ! répondit-il, mais montrez-moi d’abord vos pattes.
Les chats sortirent leurs griffes.
— Holà ! dit-il. Que vos ongles sont longs ! attendez ! il faut d’abord que je vous les coupe.
Il les prit par la peau du dos, les posa sur l’étau et leur y coinça les pattes.
— J’ai vu vos doigts, dit-il, j’en ai perdu l’envie de jouer aux cartes.
Il les tua et les jeta par la fenêtre dans l’eau d’un étang. A peine s’en était-il ainsi débarrassé que de tous les coins et recoins sortirent des chats et des chiens, tous noirs, tirant des chaînes rougies au feu. Il y en avait tant et tant qu’il ne pouvait leur échapper.
Ils criaient affreusement, dispersaient les brandons du foyer, piétinaient le feu, essayaient de l’éteindre. Tranquillement, le garçon les regarda faire un moment. Quand il en eut assez, il prit le couteau de ciseleur et dit :
— Déguerpissez, canailles ! (A suivre…)
Contes merveilleux
8 juillet 2011
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