Au coin de la cheminée
Histoire de celui qui s’en alla apprendre la peur (3e partie)
Résumé de la 2e partie: La tentative du bedeau n’ayant eu aucun effet sur lui, son père lui demande de parcourir le monde pour éprouver cette sensation de peur…
Comme ils doivent avoir froid et frissonner, ceux qui sont là-haut !» Et, comme il les prenait en pitié, il appliqua l’échelle contre le gibet, l’escalada, décrocha les pendus les uns après les autres et les descendit tous les sept. Il attisa le feu, souffla sur les braises et disposa les pendus tout autour pour les réchauffer.
Comme ils ne bougeaient pas et que les flammes venaient lécher leurs vêtements, il dit :
— Faites donc attention ! Sinon je vais vous rependre là-haut !
Les morts, cependant, n’entendaient rien, se taisaient et laissaient brûler leurs loques. Le garçon finit par se mettre en colère.
— Si vous ne faites pas attention, dit-il, je n’y puis rien ! je n’ai pas envie de brûler avec vous.
Et, l’un après l’autre, il les raccrocha au gibet. Il se coucha près du feu et s’endormit. Le lendemain, l’homme s’en vint et lui réclama les cinquante talents :
— Alors, sais-tu maintenant ce que c’est que d’avoir le frisson ? lui dit-il.
— Non, répondit le garçon. D’où le saurais-je ? Ceux qui sont là-haut n’ont pas ouvert la bouche, et ils sont si bêtes qu’ils ont laissé brûler les quelques hardes qu’ils ont sur le dos. L’homme comprit qu’il n’obtiendrait pas les cinquante talents ce jour-là et s’en alla en disant : «Je n’ai jamais vu un être comme celui-là !»
Le jeune homme reprit également sa route et se dit à nouveau, parlant à haute voix .
— Ah ! si seulement j’avais peur ! Si seulement je savais frissonner !
Un cocher qui marchait derrière lui l’entendit et demanda :
— Qui es-tu ?
— Je ne sais pas, répondit le garçon.
Le cocher reprit :
— D’où viens-tu ?
— Je ne sais pas, rétorqua le jeune homme.
— Qui est ton père ?
— Je n’ai pas le droit de le dire.
— Que marmonnes-tu sans cesse dans ta barbe ?
— Eh bien ! répondit le garçon, je voudrais frissonner. Mais personne ne peut me dire comment j’y arriverai.
— Cesse de dire des bêtises ! reprit le cocher. Viens avec moi !
Le jeune homme accompagna donc le cocher et, le soir, ils arrivèrent à une auberge avec l’intention d’y passer la nuit. En entrant dans sa chambre, le garçon répéta à haute et intelligible voix :
— Si seulement j’avais peur ! Si seulement je savais frissonner !
L’aubergiste l’entendit et dit en riant :
— Si vraiment ça te fait plaisir, tu en auras sûrement l’occasion chez moi.
— Tais-toi donc ! dit sa femme.
A être curieux, plus d’un a déjà perdu la vie, et ce serait vraiment dommage pour ses jolis yeux s’ils ne devaient plus jamais voir la lumière du jour.
Mais le garçon répondit :
— Même s’il fallait en arriver là, je veux apprendre à frissonner. C’est d’ailleurs pour ça que je voyage.
Il ne laissa à l’aubergiste ni trêve ni repos jusqu’à ce qu’il lui dévoilât son secret. (A suivre…)
Contes merveilleux
8 juillet 2011
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