RSS

Rencontre : un thé avec un salafiste

7 juillet 2011

Contributions

Moulay Ahmed Machichi est un ancien détenu salafiste. Libéré suite
à la grâce royale du 14 avril, il revient sur son calvaire. Récit.

Tel quel

Un salafiste ça porte une barbe foisonnante et une tunique blanche. Avant d’aller à sa rencontre, on se pose moult questions. Comment s’habiller pour ne pas heurter sa sensibilité (religieuse) ? Faut-il oser ou pas lui serrer la main, surtout lorsqu’on est une femme ? On imagine le salafiste forcément différent du reste de l’humanité. Le cerveau buriné par les préceptes du Coran, le visage fermé, une vie d’ascète et un problème, entre autres, avec le corps féminin, sont souvent les clichés qu’on a des adeptes de cette branche radicale de l’islam. Et puis, l’accusation de terroriste pèse souvent lourd sur la tête d’un salafiste. Tant pis si elle est infondée. Moulay Ahmed Machichi a fait les frais de ces nombreux clichés. Agé de quarante ans, il en a passé plus de sept en prison, accusé de faire partie d’un réseau terroriste. Le 14 Maroc : des entreprises francaises à la trappe avril, le roi gracie 190 prisonniers, dont une bonne partie de salafistes. Machichi fait partie de l’heureuse fournée qui a retrouvé la liberté. Quand on va à sa rencontre, aucune surprise sur la barbe et la tunique blanche. Elles sont bien là. Mais le lot des autres clichés a vite fait d’être démonté. Machichi accueille ses hôtes avec une franche poignée de main, un sourire empreint d’affabilité et beaucoup d’humour. Sans son vêtement et sa polygamie assumée, on oublierait presque son étiquette religieuse, les soupçons de terrorisme qui ont pesé sur lui et son long séjour en détention. Autour d’un thé, dans la maison familiale et entouré de ses proches, Machichi raconte son calvaire.

Le premier jour du reste de sa vie

La vie de Moulay Ahmed Machichi a basculé le 13 mars 2003. Ce jeudi-là, il est sur son lieu de travail, un local où il vend pâtisseries, gâteaux et autres délices culinaires. “Une femme belle et grande se présente à mon comptoir. Elle prend 5 dirhams de feuilles de pastilla, s’en va et deux hommes lui succèdent pour m’arrêter”, se souvient Machichi, l’air de penser que la belle femme était annonciatrice de catastrophe ou un indic des flics. Une chose est sûre, ce jour-là, Machichi sait qu’il ne rentrera pas chez lui avant longtemps. Les autorités qui le détiennent l’assomment de questions sur ses fréquentations. “Oui je connaissais Abdelkrim Mejjati (ndlr : suspecté d’avoir orchestré les attentats de Madrid). Il m’a invité au baptême de son fils. Nous sommes marocains, il est normal que nous nous connaissions”, se défend Machichi. Pas assez pour convaincre les policiers, qui le forcent à signer une cinquantaine de pages de déclarations qu’il dit n’avoir même pas eu le temps, ni l’autorisation de lire. “Au Maroc, on est habitué à fléchir devant la pression qu’exercent sur nous les représentants de l’Etat. J’avais peur, je ne voulais pas qu’on me frappe”, se justifie-t-il. Machichi comprend alors que dans son cas, la police l’a condamné avant le juge. Son procès n’a donc été qu’une formalité.

Jugement expéditif

Devant le magistrat, Machichi se retrouve avec des centaines de personnes qui, comme lui, clament leur innocence. “Je vous assure que certaines personnes n’ont été arrêtées que parce qu’elles portaient une barbe. Pour les autorités, elles avaient le physique d’un terroriste et rien de plus”. L’homme a dû assurer sa défense tout seul : “Mon avocat a été mis en prison lui aussi et celui qui était commis d’office plaidait contre moi”. La sentence du juge est terrible pour l’homme qui se dit patriote, pacifique et attaché à son roi. Il écope de dix ans de prison. “J’étais heureux de cette peine, elle valait mieux que la perpétuité ou la peine capitale que beaucoup d’autres ont eue. Mais je n’étais pas coupable, cette condamnation était forcément injuste”, raconte Machichi. Le juge lui aurait avoué que, dans un autre contexte, s’il n’y avait pas eu la fameuse “guerre contre le terrorisme” menée dans le monde et l’attentat du 16 mai à Casablanca, jamais les peines n’auraient été aussi sévères. “J’ai compris que j’étais une victime du système. Je n’en veux pas aux petites mains, mais à la politique sécuritaire menée dans notre pays”.

La Charia oui, mais…

Machichi séjourne alors à Oukacha, d’abord avec des prisonniers de droit commun, puis dans une aile occupée majoritairement par des détenus salafistes. “Je n’ai jamais été torturé, ni maltraité. J’étais dans une cellule certes petite, mais que j’occupais seul alors que d’autres prisonniers étaient à quatre dans un espace équivalent”, affirme Machichi. Il dit avoir entendu des témoignages de torture dans la bouche d’anciens détenus de Temara. “Ce qu’ils ont raconté est effroyable, mais je n’ai rien vu de mes propres yeux”, confesse-t-il. Machichi se considère comme un détenu politique. “J’ai été emprisonné pour mes croyances et mes idées. Certes, je pense que l’application de la Charia est une bonne chose, mais seul le Commandeur des croyants peut en prendre la décision”, explique-t-il. Même si le discours de Machichi est ultra-orthodoxe, il n’en reste pas moins très critique par rapport à certaines branches salafistes : “Je suis contre ceux qui appellent à la violence, qui ne reconnaissent pas la commanderie des croyants et qui qualifient leurs concitoyens de ‘koufar’, tient-il à rappeler. Pour lui, l’Etat n’a pas fait son travail, et le ministère des Affaires islamiques a laissé des jeunes entre les mains d’extrémistes sans aucun référentiel théologique, même en prison. La solution, selon Machichi ? “Le dialogue”.
Le Quotidien d’Oran
Jeudi 07 juillet 2011

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

Voir tous les articles de Artisan de l'ombre

S'abonner

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.

Les commentaires sont fermés.

Académie Renée Vivien |
faffoo |
little voice |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | alacroiseedesarts
| Sud
| éditer livre, agent littéra...