Histoires vraies
Le furoncle d’Odette (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Les parents Cuplet amènent leur fille Odette consulter le Dr Shatterton pour un furoncle à la nuque…
Tandis qu’une moue affirmative lui répond, à l’asile psychiatrique de Rockland, la dame entre deux âges s’adresse au docteur Berger, de plus en plus inquiète :
«Mais enfin, docteur, il est dangereux de le laisser pratiquer ! Au moment où je vous parle, il est en train d’ouvrir un nouveau cabinet. Je suis terriblement angoissée.
— Allons, allons, madame. Sa maladie n’empêche pas votre frère d’être un bon médecin.
— Et s’il se met dans la tête d’opérer, docteur ? Vous savez bien que c’est son obsession. Il rêve d’être chirurgien : avant d’être soigné chez vous, il maniait le bistouri pour un oui, pour un non. Et je t’ouvre ici et je te coupe là !»
Sous la blouse blanche, le ventre du bon docteur Berger tressaute allègrement :
«Allons, allons, madame, répète-t-il en riant, vous exagérez la maladie de votre frère et ses dangers. Au demeurant, nous ne pouvons rien faire, nous n’avons jamais reçu la moindre plainte.»
Effectivement, le docteur Shatterton inspire la plus totale confiance à ses visiteurs, dans le nouveau cabinet qu’il occupe :
«Voyons cela !» s’exclame-t-il gaiement, en penchant son gros visage et ses petits yeux noirs sur la jeune Odette Cuplet.
Afin de mieux voir le furoncle qui pointe dans le cou d’Odette, il vient de saisir une loupe sur son bureau :
«Oui, oui, je vois, c’est un beau furoncle bien mûr. Cela ne sera rien. Mais… voulez-vous vous lever, mademoiselle ? Auriez-vous la gentillesse de baisser votre pantalon ?»
Le petit M. Cuplet et Mme Cuplet échangent un regard étonné.
«Dame ! poursuit le docteur Shatterton, il n’y a pas d’effet sans cause : le sang de cette enfant doit être infecté.»
Odette, rougissante, interroge ses parents du regard : voyant l’indécision de ceux-ci, elle n’ose pas refuser de montrer son ventre au docteur. Son jean glisse sur ses cuisses. Elle le retient de la main gauche, tandis que la main droite soulève avec hésitation son pull-over. Apparaît un ravissant nombril au-dessus d’une petite culotte de dentelle.
La main solide, apparemment experte du praticien, palpe le joli petit ventre avec onction.
Et, en sortant de l’asile psychiatrique, la sœur du docteur Shatterton se précipite chez le shérif.
«Mon frère est fou, il a dû être interné plusieurs fois. II voudrait être chirurgien et faire des opérations, explique-t-elle au policier médusé. Il y a huit jours, il a quitté l’asile pour ouvrir un nouveau cabinet. Il ne faut pas le laisser faire.
— Attendez… attendez que je comprenne : votre frère est docteur ?
— Oui.
— Il a un diplôme ?
— Oui.
— Les responsables de l’asile estiment qu’il peut pratiquer ?
— Oui.
— Mais alors, madame, qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ?»
Puisque personne n’y peut rien et qu’il est roi dans son cabinet, le docteur Shatterton annonce au petit M. Cuplet, à la grande Mme Cuplet et à leur adorable jeune fille le surprenant diagnostic qu’il vient de déterminer après palpation :
«Qu’est-ce que je vous disais ! Evidemment, c’était cousu de fil blanc : elle a une appendicite !
— Quoi ? Comment ! s’exclame M. Cuplet.
— Mais elle n’en a jamais souffert ! Arme Mme Cuplet, n’est-ce pas, Odette ?
— Normal, normal… ce n’est qu’une appendicite chronique, qui peut entraîner une crise brutale à n’importe quel moment, voire une péritonite. J’ai bien envie de l’opérer.» (A suivre…)
Pierre Bellemare
1 juillet 2011
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