Le sifflet du chef de gare tente de se frayer un chemin. Plutôt une piste. Entre la voix nasillarde que crache le haut-parleur enroué d’avoir trop annoncé des faux départs et les cris des retardataires. Le train démarre à l’heure. Miracle ? Non, normal. Première classe. Rahma. Que des places assises. Et la clim c’est extra.
«Maintenir la porte fermée. Climatisation». L’écriteau sans formule de politesse était sévère. Plus sévères étaient les voyageurs vis-à-vis de celui qui oubliait de refermer la porte du compartiment.
Le ventre est le siège des émotions. On le sait. Une hôtesse derrière un chariot nous propose casse-croûte, thé et soda. Jusqu’ici on comprend pourquoi. Il y a une «majoration confort» sur le prix du billet. Ce train, qui démarre pour faire 400 km, n’a qu’un seul arrêt. Il s’arrête deux cents bornes après Tchof tchof, rabbi yaltof. Tof… Tof… et ça redémarre le rapide sauf que s’arrête la clim.
Compartiment bondé, les places assises ne tiennent plus debout. Ça gesticule dans tous les sens. Ça sort les éventails et les journaux et vas-y que je t’aère. On ouvre les fenêtres pour laisser entrer la clim de moulana. Ce sont les odeurs de khoutna qui s’invitent. On referme les fenêtres. Les gosses se remettent à chialer. Les adultes à gueuler. Arrive un contrôleur, sieur suant sous son couvre-chef. Ichef lui aussi.
- Khouya, la clim… la clim ?
- La criiime.
C’est un adolescent derrière une glacière qui propose ses douceurs. A défaut de clim, c’est la ruée sur la criiime. Tous les parfums sont partis sauf ceux des toilettes, trop sollicitées par les effets des sorbets. Le train devient une immense fournaise. Commence le ballet d’un personnel transpirant ne sachant quelle réponse donner à la question «Pourquoi donc la majoration confort ?» Quand, fort de son argumentaire, un préposé à tout faire répond :
- Allah Ghaleb, la clim est en panne. Elle est en panne. Sitou ! On n’y peut rien. Mais pourquoi en vouloir au personnel de cette entreprise qui avec rien ne fait rien, quand d’autres avec beaucoup ne font rien. On arrive à la gare mais au train où vont les choses, on n’est pas près de la modernité.
30 juin 2011
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