Edition du Mercredi 29 Juin 2011
Chronique
La fin pitoyable de nos dictateurs
Par : Mustapha Hammouche
C’est le second chef d’État arabe sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Omar Al-Béchir, qui a réalisé l’œuvre de mener son pays à la partition, et Kadhafi qui fait courir le même risque au sien.
Deux autres chefs d’État, Ben Ali et Moubarak, sont en attente d’être déférés devant la justice de leur propre pays. Un cinquième, Saleh, est hospitalisé dans un état dont on ignore la gravité et qui rend son destin encore plus hypothétique.
Ces despotes, et les autres dans le monde arabe, ont en commun d’avoir tenu en laisse des nations entières, d’avoir durablement sévi par la force contre leurs concitoyens, puis de les avoir réprimés et d’en avoir assassiné bon nombre quand ceux-ci en sont venus à demander la fin de leur emprise. Ils partagent une tradition putschiste, une conviction et une pratique de la prééminence de la force sur le droit et une tendance à l’appropriation dynastique du pouvoir politique. En somme, une culture qui leur interdit d’accéder à la notion même de démocratie.
La tragédie palestinienne a longtemps servi à ces dictatures de bouclier contre le désaveu international. En prolongeant le statut de la cause palestinienne, arabe ou islamique, elles partageaient avec le peuple palestinien son statut de victime : elles pouvaient tranquillement sévir en famille sans risque d’endurer les réprobations de la communauté internationale. Elles seraient automatiquement repoussées comme une atteinte à la souveraineté arabe déjà gravement offensée en Palestine. La fonction de pourvoyeurs en pétrole ajoutait à cette sécurité politique : nos maîtres locaux s’octroient en contrepartie de cette utilité stratégique le privilège de maltraiter leurs sujets, en toute… souveraineté, dans des espaces confinés. Leurs méfaits y échappent même au regard de l’opinion mondiale. D’où leur haine de la communication et de tout ce qui rend possible le voyage transfrontalier de l’information.
Trois soudaines évolutions ont remis en cause ce statu quo. En premier, l’explosion de l’efficacité communicationnelle des réseaux sociaux et du téléphone portable, déjà révélée par les émeutes d’Iran.
Ensuite, la résistance du peuple tunisien et sa persévérance obstinée à conduire sa révolution jusqu’à l’élimination du clan Ben Ali-Trabelsi, malgré l’indifférence générale du début du mouvement : n’oublions pas que l’ex-ministre française des Affaires étrangères a commencé par proposer le “savoir-faire” de sa police.
Enfin, le discours du 19 mai de Barack Obama, se plaçant franchement du côté du mouvement pour le changement dans les pays arabes et saluant le sacrifice du jeune Bouazizi. L’Amérique venait de montrer son camp à la communauté internationale. Désormais, là où le peuple se soulève, le dictateur, tenté par la répression, n’est plus assuré de la complaisance internationale.
Mais ces évolutions et leurs implications sont inaccessibles à l’entendement de nos dictateurs parce que la nécessité démocratique leur est culturellement inconcevable. Comme certains gastéropodes, ils ne peuvent se détacher de leur point d’attache que par la force. Observons comment ils finissent tous par sortir par la plus petite porte possible. Ils se ferment ainsi, par le crime, toutes les issues. Sauf celle de la chute finale.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
29 juin 2011
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