Histoires vraies
Susan et personne (3e partie)
Résumé de la 2e partie : Susan est découverte morte, trois semaines plus tard,dans une voiture complètement carbonisée…
Susan était alors soupçonnée de délire de persécution, lorsque pour la troisième fois elle appelait la police chez elle, en affirmant que quelqu’un guettait derrière sa porte en pleine nuit. Or, l’immeuble était fermé à clef, et la police eut beau fouiller tous les couloirs, personne. Toujours personne.
Milton Bauer et Hugues Bauer, interrogés séparément, répondent avec sérénité aux questions d’un lieutenant de la police criminelle de Baltimore. Où étaient-ils dans la nuit du 15 au 16 mars 1978, entre vingt heures et six heures du matin ? Etaient-ils, père et fils, les amants de Susan ? Quand l’ont-ils vue pour la dernière fois ? Qui lui a prêté cette voiture immatriculée au nom de la société Bauer ? Possédaient-ils chacun une clef de l’appartement ?
II est clair que le lieutenant de la police criminelle a son idée. L’assassin est devant lui : le père ou le fils. Le fils ou le père. Pas si simple. Ce n’est peut-être personne.
Milton Bauer, le père, cheveux blond gris, front large, sourire condescendant, ne semble pas particulièrement gêné d’être le principal témoin d’une affaire criminelle, voire le principal suspect. Il répond avec naturel.
«Susan était ma maîtresse depuis deux ans environ. Je possédais effectivement une clef de son appartement, mais je m’y rendais rarement ces derniers temps. Elle ne m’a pas parlé de ces soi-disant histoires d’agression. J’ignorais même qu’elle avait changé le verrou. Je la voyais de loin en loin, et ces derniers temps je ne l’ai vue qu’une fois, à mon bureau.
— Que voulait-elle ?
— De l’argent, lieutenant, c’est moi qui l’entretenais. C’est moi qui avais acheté cette boutique de mode, où elle ne faisait strictement rien, d’ailleurs.
Une façade, pour justifier ses revenus et lui éviter des ennuis avec les mœurs.
— Et la voiture ?
— Elle s’en servait depuis longtemps. II était plus simple pour moi de lui céder une voiture de la société, les frais, vous comprenez.
— Saviez-vous que votre fils était également son amant ?
— Pas précisément, mais je m’en doutais un peu.
— Depuis quand ?
— Un jour ; j’ai envoyé Hugues la prévenir que je devrais espacer nos relations pour le moment. J’étais couché, ordre du médecin, accident cardiaque. Je devais me ménager.
— Et vous choisissez votre fils comme messager ?
— Il m’était difficile de téléphoner devant ma femme.
— Il y a combien de temps ?
— Environ six mois. Hugues a fait sa connaissance, et j’imagine qu’il l’a revue souvent.
— Ça ne vous gênait pas ? Vous n’étiez pas jaloux ?
— Jaloux ? Lieutenant, il ne s’agissait pas d’une histoire d’amour. J’entretenais Susan, c’est tout. Et d’ailleurs, je vous l’ai dit, nos rapports s’étaient espacés.
— Où étiez-vous dans la nuit du 15 au 16 ?
— Chez moi. Avec ma femme.
— Savez-vous où se trouvait votre fils ?
— Chez lui, je suppose. Il est marié depuis deux ans, cela implique certaines obligations.»
Hugues Bauer, le fils, vingt-cinq ans, guère de ressemblance avec son père, à part la blondeur de ses cheveux. Traits mous, visage plus épais, regard moins franc. Il paraît plus jeune que son âge. Une certaine mauvaise humeur dans ses réponses. (A suivre…)
Pierre Bellemare
29 juin 2011
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