L’été est là. Le ciel est chaud. Des gens prennent la mer ou s’y colle. Dans un mois, le Pou voir va donner à manger à son peuple, lui acheter de la viande indienne comme à un fauve, lui assurer la pomme de terre et la semoule, repas subventionnés accompagnés de prêches et d’accidents de voitures. Cela s’appelle le ramadhan. Quelle est donc notre histoire nationale parmi les nations du monde ? On ne sait pas. On est là, la terre aussi, un drapeau, des chantiers, quelques lampadaires et cela s’appelle l’indépendance. Synonyme d’arrêt de bus vide. Parfois, le peuple veut être un peuple au foyer, ne veut pas d’histoires au nom de l’Histoire, ne veut rien, sauf attendre et s’occuper de regarder les voisins. C’est une solution mais une fausse solution. Sujet du jour ?
A Alger, l’un des principaux meneurs du mouvement étudiants qui a marché à Alger sur Alger vient d’être renvoyé par son université, à Alger. Le prétexte est celui d’une indiscipline floue, la réalité est celle d’une opération punitive, évidemment politique. Il y a dans les airs une promesse : celle faite à tous ceux qui ont osé agiter le pays depuis janvier au nom du changement. Dès que « Kadhafi ne tombera pas », et que le monde civilisé se désintéressera de la zone, la matraque sera lourde. Des meneurs seront réduits à la faim, harcelés, forcés de s’asseoir et réduits à des feuilles mortes. C’est même connu : quand la révolution est un échec, la contre-révolution est une réussite. On ne va pas s’attaquer aux vieux leaders, meubles consacrés du décor national, mais aux possibles nouveaux leaders émergents, les jeunes, les isolés du pays profond. Là, on va fouiner, chercher, faire pression, harceler en prenant soin de ne jamais s’attaquer ouvertement au dissident, au militant ou à l’homme en colère. On discute avec l’opposant connu mais on frappe sans pudeur le représentant des chômeurs algériens. La répression en Algérie est intelligente. A côté, les autres dictatures sont des barbaries ancestrales. Ici, non. On a de l’expérience. On sait faire asseoir un peuple, le diviser, l’occuper entre lui et son repas et choisir ses meneurs pour les user doucement, sans violence, en vrac, juste par lente exclusion de la rente nationale. Il existe en Algérie une peine maximale et très subtile : l’exil intérieur. On ne vous fait rien mais on ne vous laisse plus rien faire. On ne vous dit rien mais vous n’avez plus la possibilité de rien dire d’autre.
En clair, on vous peint en noir et on vous lâche dans le troupeau blanc qui, peu à peu, vous isole, s’interroge sur votre cas, lance ses rumeurs, fait le vide autour de votre peau, puis vous tourne le dos définitivement. C’est ce qui va se passer si le Régime réussit à négocier le virage du printemps arabe. Il va s’en sortir plus jeune, avec de meilleures dents, moins malade, plus vigoureux et avec un Occident moins regardant. L’étudiant d’Alger a été expulsé par les propriétaires déclarés de l’université d’Alger qui obéissent déjà à un nouveau climat. Cet étudiant est seul. C’est le premier signe, la première proie. La meute est lâchée.
28 juin 2011
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