Au coin de la cheminée
Saint Antoine (6e partie et fin)
Résumé de la 5e partie : Antoine aperçoit, surgissant du tas de fumier, le Prussien. Il se précipite sur lui et lui enfonce une fourche dans la poitrine…
Le soldat se renversa sur le dos en poussant un long soupir de mort, tandis que le vieux paysan, retirant son arme des plaies, la replongeait coup sur coup dans le ventre, dans l’estomac, dans la gorge, frappant comme un forcené, trouant de la tête aux pieds le corps palpitant dont le sang fuyait par gros bouillons.
Puis il s’arrêta, essoufflé de la violence de sa besogne, aspirant l’air à grandes gorgées, apaisé par le meurtre accompli.
Alors, comme les coqs chantaient dans les poulaillers et comme le jour allait poindre, il se mit à l’œuvre pour ensevelir l’homme.
Il creusa un trou dans le fumier, trouva la terre, fouilla plus bas encore, travaillant d’une façon désordonnée dans un emportement de force avec des mouvements furieux des bras et de tout le corps.
Lorsque la tranchée fut assez creuse, il roula le cadavre dedans, avec la fourche, rejeta la terre dessus, la piétina longtemps, remit en place le fumier, et il sourit en voyant la neige épaisse qui complétait sa besogne, et couvrait les traces de son voile blanc.
Puis il repiqua sa fourche sur le tas d’ordure et rentra chez lui. Sa bouteille encore à moitié pleine d’eau-de-vie était restée sur la table. Il la vida d’un trait, se jeta sur son lit et s’endormit profondément.
Il se réveilla dégrisé, l’esprit calme et dispos, capable de juger le cas et de prévoir l’événement.
Au bout d’une heure, il courait le pays en demandant partout des nouvelles de son soldat. Il alla trouver les officiers, pour savoir, disait-il, pourquoi on lui avait repris son homme.
Comme on connaissait leur liaison, on ne le soupçonna pas ; et il dirigea même les recherches en affirmant que le Prussien allait chaque soir courir le cotillon.
Un vieux gendarme à la retraite, qui tenait une auberge dans le village voisin et qui avait une jolie fille, fut arrêté et fusillé.
Contes merveilleux
26 juin 2011
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