Hommes et femmes au destin prodigieux
K. Noubi
Résumé de la 29e partie : Des soldats ivres se sont mutinés sur le radeau. Les autres passagers doivent leur livrer bataille. Plusieurs personnes sont tuées.
A minuit, les hostilités reprennent. Il y a encore de nombreux morts des deux côtés. Puis les mutins s’emparent d’un officier, le sous-lieutenant Lozach.
— Libérez-le immédiatement, hurle le commandant du radeau, Coudin.
— Non, crie le mutin, il nous a fait souffrir quand nous étions en garnison à l’île de Ré ! Nous allons nous venger de lui !
— Le sous-lieutenant Lozach n’a pas commandé à l’île de Ré !
Mais les mutins répondent :
— Ce n’est pas le sous-lieutenant Lozach mais le lieutenant d’Anglas !
Ils le prennent, en effet, pour ce dernier, qui était effectivement à l’île de Ré et dont les soldats, sous sa responsabilité, ont souffert. Le lieutenant d’Anglas a, au début, pris place dans le radeau puis, à la dernière minute, il a réussi à embarquer dans l’un des canots de sauvetage.
— Pour une dernière fois, libérez le sous-lieutenant !
Et comme les mutins refusent, il faut donner l’assaut. Le sous-lieutenant est libéré, au prix de nouveaux blessés et tués.
Toute la nuit, les mutins vont exiger qu’on leur livre Lozach et il faut, à plusieurs reprises, repousser leurs assauts. Au cours d’un de ces assauts, l’enseigne Coudin est poussé dans l’eau mais il réussit à s’agripper au radeau et à remonter.
Quand le jour se lève, on constate qu’un grand nombre d’hommes ont disparu. Il n’en reste plus qu’une soixantaine. Cela allège considérablement le radeau qui n’est plus immergé qu’à moins de cinquante centimètres. Mais le radeau s’est allégé aussi des barriques qui contenaient la boisson, à l’exception d’un tonneau de vin.
On rétablit le mât, on y accroche un sac dans lequel on a déposé l’argent et les bijoux des rescapés. Quelques passagers croient entrevoir, au loin, la côte mais ce n’est qu’un mirage : il n’y a que la mer, une immense étendue d’eau qui ne semble avoir ni commencement ni fin.
Cependant, comme on n’a pas mangé depuis le premier jour du naufrage, les hommes ont faim. Certains se mettent à mâcher des morceaux de corde ou de cuir, tandis que d’autres s’approchent des cadavres qui gisent sur le radeau et qu’on n’a pas encore jeté à la mer. L’un des hommes prend un couteau, s’approche d’un corps et rapidement, découpe un peu de chair. Il la met goulûment dans sa bouche et se met à mâcher. Les autres, horrifiés, détournent la tête.
Mais la faim devient intolérable. Il faut manger ou mourir. Alors, d’autres hommes s’approchent de cadavres et à leur tour découpent des morceaux de chair qu’ils dévorent. Sur le point de défaillir, il y a à peine quelques instants, ils reprennent vie !
La nuit tombe. Après l’affreux festin, les hommes, épuisés par la veille et les combats, veulent dormir mais comme ils ont encore de l’eau jusqu’aux genoux, ils doivent dormir debout. Ceux qui se laissent tomber vont mourir noyés. Quand le soleil se lève, on a encore perdu douze hommes. On jette les corps à la mer, sauf un qui va servir de nourriture aux rescapés…
A suivre
K. Noubi
25 juin 2011
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