Les aventures de Pinocchio
Résumé de la 7e partie : Agacé par les paroles du grillon, Pinocchio le tue…
Sitôt dit, sitôt fait : il mit un poêlon sur un brasero aux cendres chaudes et versa, faute d’huile ou de beurre, un peu d’eau. Quand l’eau commença à bouillir, tac !… elle fit éclater la coquille de l’œuf qui laissa s’échapper ce qu’il y avait à l’intérieur.
Or, au lieu du blanc et du jaune de l’œuf, sortit un petit poussin tout content et très poli qui, après une belle révérence, dit :
— Merci mille fois, Monsieur Pinocchio, de m’avoir épargné la fatigue de rompre moi-même ma coquille. Portez-vous bien et bonjour chez vous !
Puis il étendit ses ailes et, passant par la fenêtre restée ouverte, s’envola dans le ciel et disparut à l’horizon.
La pauvre marionnette en resta paralysée, les yeux fixes, la bouche ouverte, la coquille cassée dans la main. Le choc passé, il se mit à pleurer, à crier, à taper des pieds par terre de désespoir et, tout en pleurant, s’exclama :
— Le Grillon-qui-parle avait donc raison ! Si je ne m’étais pas sauvé de la maison et si mon papa était encore ici, je n’en serais pas réduit à mourir de faim ! Oh ! Quelle sale maladie que la faim !
Et, parce que son corps rouspétait plus que jamais et qu’il ne savait quoi faire pour le contenter, il songea à sortir pour une virée dans le voisinage, histoire de trouver quelque personne charitable qui lui ferait l’aumône d’un peu de pain. Pinocchio s’endort les pieds posés sur le brasero et le lendemain matin ils sont entièrement calcinés.
Dehors, c’était proprement infernal. Un terrible orage tonnait avec fracas et la nuit s’éclairait comme si le ciel avait pris feu, un vent glacial tournoyait, sifflant méchamment, soulevant un immense nuage de poussière et faisant gémir tous les arbres de la campagne. Pinocchio avait très peur du tonnerre et des éclairs, mais la faim était encore plus forte que la peur. Alors il poussa la porte et, filant à toute allure, arriva dans le village une petite centaine de bonds plus loin, la langue pendante et le souffle court, comme un chien de chasse.
Tout était dans l’obscurité. Les boutiques étaient fermées, closes les portes et les fenêtres des maisons. Dans la rue, pas un chat. On aurait dit un village de morts.
Accablé par le désespoir et la faim, Pinocchio se pendit à la sonnette d’une maison et carillonna, carillonna tout en se disant :
— Quelqu’un finira bien par se mettre à la fenêtre.
Effectivement, un petit vieux apparut, son bonnet de nuit sur la tête et très énervé :
— Qu’est-ce que vous voulez à cette heure-ci ?
— Peut-être serez-vous assez aimable pour me donner un morceau de pain ?
— D’accord, ne bouge pas, je reviens tout de suite, répondit le vieil homme qui croyait avoir affaire à l’un de ces vauriens capables de tout et qui, la nuit, s’amusent à tirer les sonnettes pour le seul plaisir de déranger les gens qui dorment tranquillement.
Trente secondes plus tard, la fenêtre s’ouvrit de nouveau et le petit vieux cria à Pinocchio :
— Mets-toi bien en dessous et tends ton chapeau.
A suivre
Carlo Lorenzini, dit Collodi
25 juin 2011
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