Au coin de la cheminée
Les aventures de Pinocchio (7e partie)
Résumé de la 6e partie : Pinocchio, en rentrant chez lui, est interpellé par un grillon qui lui dit : «Malheur aux enfants qui se révoltent contre leurs parents !»
Pour ta gouverne – lui répondit le Grillon-qui-parle avec son calme habituel – je te signale que ceux qui pratiquèrent un tel métier ont tous fini leurs jours à l’hospice ou en prison.
— Cela suffit, Grillon de malheur !… Si la colère me prend, gare à toi !
— Pauvre Pinocchio ! Tu me fais pitié !…
— Et pourquoi, Grillon ?
— Parce que tu es une marionnette et, ce qui est terrible, que tu as donc la tête dure comme du bois.
Rendu absolument furieux par ces dernières paroles, Pinocchio se leva d’un bond, s’empara d’un marteau sur l’établi et le lança à toute volée vers le Grillon-qui-parle. Peut-être crut-il qu’il ne le toucherait même pas. Malheureusement, il le frappa en plein sur la tête, si bien que le pauvre Grillon, après avoir fait une dernière fois cri-cri-cri, resta collé au mur, raide mort.
Pinocchio a faim et cherche un œuf pour faire une omelette. Mais au moment de la manger, l’omelette s’envole par la fenêtre.
La nuit commençait à tomber. Pinocchio ressentit un petit creux à l’estomac et se rappela qu’il n’avait rien mangé.
Ce petit creux, chez les enfants, grandit rapidement. En peu de minutes, il se transforme en véritable faim et cette faim, subrepticement, devient faim de loup, une faim colossale.
Le pauvre Pinocchio commença par se ruer vers la cheminée où fumait une casserole et voulut enlever le couvercle pour voir ce qui cuisait. Mais cette casserole n’étant qu’une peinture murale, imaginez sa stupeur ! Son nez, déjà long, s’allongea encore plus, d’au moins quatre doigts.
Alors il se mit à courir comme un fou dans toute la pièce, fouillant dans toutes les boîtes, inspectant les placards à la recherche d’un peu de pain sec, d’un croûton quelconque, d’un os pour chien, d’un restant de polenta moisie, d’une arête de poisson ou d’un noyau de cerise, bref de n’importe quoi à se mettre sous la dent, mais il ne trouva rien, absolument rien, rien de rien. Or la faim grandissait et grandissait toujours. Cette faim provoquait en lui l’envie de bâiller et ces bâillements étaient si conséquents que sa bouche s’étirait jusqu’aux oreilles. Il bâillait, crachotait et sentait que son estomac lui descendait sur les talons.
Désespéré, il se mit à pleurer :
— Le Grillon-qui-parle avait raison. Je n’aurais pas dû me révolter contre mon papa ni me sauver de la maison. Si papa était là, je n’en serais pas réduit à bâiller à en mourir ! Oh ! Quelle sale maladie que d’avoir faim !
Mais voilà qu’il lui sembla voir, dans un tas de poussière, quelque chose de rond et blanc, comme un œuf de poule. Il se jeta dessus d’un seul bond. C’était bien un œuf.
La joie de la marionnette fut indescriptible. Croyant rêver, il tournait et retournait cet œuf dans ses mains, le caressait et l’embrassait tout en disant :
— Et maintenant, comment vais-je le cuire ? En omelette ? A la coque ? Sur le plat, ce ne serait pas plus savoureux ? Oui, et c’est encore le moyen le plus rapide, j’ai trop envie de le manger. (A suivre…)
Carlo Lorenzini, dit Collodi
25 juin 2011
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