Résumé de la 2e partie : Peter Studer est conduit et enfermé dans une cellule exiguë, sans lavabo et sans water…
C’est un sportif, au visage lunaire. Un peu trop calme, ennemi du scandale, sans doute a-t-il pensé qu’il s’agissait d’un malentendu. Il s’est laissé enfermer, persuadé que l’enquête allait dans quelques heures établir son innocence. Car il n’était pour rien dans cette affaire. Ce n’est pas lui qui conduisait la voiture. Il s’est assis sur ce châlit. A son âge, quelques heures perdues ce n’est pas grave : il a la vie devant soi. Il chantonnait.
Le commissaire quitte la cellule, pensif, pour se rendre dans une modeste maison de Bregenz. Là, une rouquine de quarante-cinq ans, manifestement accablée de fatigue, la mère de Peter Studer, serveuse de restaurant, le reçoit. Elle parle d’un ton morne et triste, à peine relevé parfois d’une pointe d’indignation :
«Je n’ai commencé à m’inquiéter que le soir. Ce qui m’étonnait c’est que Peter n’avait pas fait prévenir par la voisine qui a le téléphone. Ça lui arrive de ne rentrer que vers minuit, même plus tard, mais il me prévient toujours. Le lendemain matin, j’étais vraiment folle d’inquiétude. Evidemment, j’ai eu peur d’un accident. J’ai téléphoné dans tous les hôpitaux de la région. Il n’y était pas. Alors j’ai appelé la police de Bregenz pour signaler sa disparition.
— A votre avis, est-ce que la police de Bregenz a fait des recherches ?
— Non. Je ne crois pas. Ils m’ont simplement dit de m’adresser à la gendarmerie de Hochst car Peter était impliqué dans un accident. Alors j’ai téléphoné à Hochst où le gendarme Wilhem m’a répondu que le gendarme Solenz – qui s’était occupé en dernier de l’accident – était en congé et que, de toute façon, on avait remis en liberté toutes les personnes impliquées dans cette affaire.»
Pendant ce temps, à la mairie, dans la cave, au bout du couloir humide, dans sa cellule sans lavabo ni water, Peter, dans l’obscurité totale, attendait. En fait, il s’est endormi, convaincu que si la lumière s’éteignait c’est que la nuit était tombée et qu’il fallait dormir. En réalité, un employé de la mairie passant par là, certain qu’il n’y avait personne dans la cellule, a pensé qu’il s’agissait d’un oubli et, voyant l’interrupteur général ouvert, il a coupé le courant par mesure d’économie.
Peter se réveillait souvent. Mais toujours dans l’obscurité et sans pouvoir lire l’heure à sa montre, alors il essayait aussitôt de se rendormir, persuadé que la nuit n’était pas terminée.
Enfin, il lui fallut se rendre à l’évidence lorsque, définitivement réveillé, l’œil complètement rond, il se rendit compte que les vibrations et la vague rumeur qu’il entendait depuis longtemps, c’étaient les bruits de la ville. Et puis il avait faim et soif. Alors, et alors seulement, la colère a commencé à l’envahir. Il s’est mis à frapper contre la porte en hurlant :
«J’ai faim ! J’ai faim ! Donnez-moi au moins à manger, nom d’une pipe !»
La lumière s’est allumée. Il a entendu un pas dans le couloir. Le judas s’est ouvert, un œil l’a regardé quelques instants, puis le judas s’est refermé d’un coup sec et l’homme est reparti.
Le commissaire interroge à présent ce curieux visiteur. C’est un moustachu en salopette, du genre fataliste.
«Je suis employé à la mairie depuis dix ans… explique-t-il. C’est moi qui fais toutes les bricoles d’entretien. Ce jour-là, je venais de constater que la nouvelle installation de chauffage central ne marchait pas. Avant de l’arrêter, j’ai quand même vérifié tous les radiateurs. C’est comme ça que je suis descendu à la cave. Là, j’ai entendu un type qui tapait et qui criait qu’il avait faim. J’ai jeté un coup d’œil et j’ai vu ce grand garçon. Ça ne m’a pas étonné du tout parce que c’était pas la première fois qu’il y avait un prisonnier dans la cellule. (A suivre…)
Pierre Bellemare
22 juin 2011
Histoire