Histoires vraies
Monsieur le juge est intraitable (2e partie)
Résumé de la 1re partie : En Italie, en 1969, on procède à une razzia sur tous les détenteurs, passeurs… de drogue. La police cible tout particulièrement les artistes…
A Rome, il y a des groupes d’artistes, des amis qui se reçoivent les uns les autres et constituent des sortes de clans. Or, Lydie et Stewart B., comédiens tous les deux, font partie d’un petit clan. Ils les reçoivent chez eux, dans leur magnifique villa d’Amalfi. Ils sont Américains, ils ont fait partie du Living Theater de New York, et ils sont installés en Italie depuis peu.
C’est dans la nuit du 5 au 6 août 1970 que cent policiers cernent la villa. Un commissaire soupçonneux a décidé que cette villa était suspecte, qu’il s’y commettait sûrement des orgies, et que la drogue devait en faire partie.
Les cent policiers envahissent au galop les quinze pièces et ne trouvent que sept invités réunis au salon entre Lydie et Stewart. Pas la moindre orgie à l’horizon, pas la plus petite odeur bizarre.
Vexé, le commissaire ordonne une fouille en règle.
Et c’est ainsi, au bout de trois heures de perquisition, qu’un policier découvre, triomphant, une petite boîte de métal, contenant 0,9 gramme de marijuana. Il dit l’avoir trouvée dans une chambre inoccupée, sur une commode. Le commissaire satisfait embarque tout le monde : Lydie, Stewart et leurs sept invités.
Le dossier est remis au juge d’instruction. L’enquête dure deux mois. Deux mois au bout desquels le juge doit remettre en liberté les sept invités, car aucun d’eux ne se droguait. «Erreur, excusez-nous, vous pouvez rentrer chez vous», dit la police.
Mais Lydie et Stewart restent en prison. Pourtant, ils ne se droguent pas non plus, l’examen médical l’a certifié. Mais ils sont responsables des neuf dixièmes de gramme de marijuana découverts chez eux. Et le juge refuse de les mettre en liberté provisoire. Monsieur le juge est un dur. Monsieur le juge a mis deux mois également pour accepter que Lydie soit transférée dans un hôpital pénitentiaire. Car elle est malade. Il a fallu qu’elle s’évanouisse un peu trop longtemps pour qu’il daigne se pencher sur la question, et écouter son avocat furieux. Car il est hors de lui, l’avocat, et il a bien raison.
«C’est scandaleux, vous m’entendez ! ma cliente a été opérée il y a six mois à peine, elle suivait un traitement particulier. Or, non seulement vous la gardez en cellule, non seulement vous refusez qu’elle voie son mé decin, non seulement vous lui refusez ses médicaments, mais en plus, vous l’expédiez dans un hôpital pénitentiaire de troisième ordre !»
Le juge est inébranlable autant que persuadé de l’efficacité des médecins de prison, de leurs diagnostics et de leurs soins.
«Que votre cliente soit malade est une chose qui regarde l’administration. Je n’ai à m’occuper que de sa culpabilité.
— Monsieur le juge, c’est grave. Vous avez lu mes conclusions, je suppose ?
— J’ai lu, maître, j’ai lu.
— Donc, vous connaissez la maladie de ma cliente…
— Si j’ai bien lu, maître, ce n’est plus une maladie, elle a été opérée.
— Il y a six mois à peine, et d’un cancer ! Elle a encore besoin de soins spéciaux. Son médecin est prêt à s’en occuper.
— Il n’en est pas question. Vous connaissez la loi. Et je n’ai aucune envie d’instituer un régime de faveur.
— Vous savez pertinemment qu’elle ne se drogue pas !
— Possible. Mais je ne prendrais pas le risque de la laisser en contact avec son médecin personnel. (A suivre…)
Pierre Bellemare
22 juin 2011
Histoire